LOUIS MARTEL

Louis MARTEL Homme Politique

Le 4 février 1871

Le 12 janvier 1876

 

 

Le 4 février 1871Lettre de Louis Martel aux électeurs du Pas-de-Calais.

 

L’armistice vient d’être signé. Les Prussiens occupent le pays. Les élections législatives auront lieu dans les jours suivant pour une Assemblée Constituante. L’Assemblée actuelle siège à Bordeaux.

Les candidatures sont annoncées. Louis Martel se présente avec Adolphe Thiers dans le Pas-de-Calais.

Il s’adresse à ses électeurs.

 

« Messieurs les électeurs,

le comité électoral d’Arras vous a adressé son programme. J’adhère aux idées d’ordre et de liberté qu’il proclame. Mon nom figure après celui de Monsieur Thiers sur la liste qui a été arrêtée par ce comité, et je vous dois à cet égard une explication personnelle que ma situation politique me fait un devoir de vous exposer en toute sincérité.

Mon plus vif désir dans les circonstances douloureuses ou se trouve la patrie, était d’arriver à une liste de conciliation qui aurait fait appel à tous les dévouements, mais j’ai usé inutilement de tous les moyens possibles pour parvenir.

Le comité démocratique m’a fait connaître que son intention irrévocable était d’exiger une déclaration écrite de chaque candidat, constatant qu’il s’engage à défendre la République, et à combattre toute tentative de restauration monarchique. J’ai fait remarquer aux membres de ce comité qu’étant entré, il y a plus de 20 ans, dans la vie politique, je croyais avoir donné assez de gages à la cause de la liberté, pour qu’on n’eut pas besoin de venir exiger de moi une déclaration écrite, et que je ne voulais en aucune manière accepter un mandat impératif, mon passé répondant assez de l’avenir.

Voilà comment j’ai dû me séparer avec plus de regrets que je ne saurais le dire, d’hommes honorables avec qui j’aurais été heureux de défendre la grande cause de l’ordre et de la liberté.

Ce pénible incident m’avait déterminé à décliner toute candidature, mais de pressantes sollicitations et surtout l’amour de mon pays m’ont fait un devoir de ne pas déserter la lutte moment du plus suprême danger.

J’ai donc accepté la candidature qui m’a été offerte par le comité d’Arras aux délibérations duquel je n’avais pas pas pris part. Ce sont les délégués des divers arrondissements qui ont fait ratifier en assemblée générale les choix faits par les comités locaux.

Toutefois, avant de donner mon adhésion, j’ai voulu aller dire à cette assemblée les motifs qui guideraient ma conduite, si le département me faisait l’honneur de me nommer son député. Permettez-moi de vous faire connaître le sens des paroles que j’y ai prononcées.

« La France est aujourd’hui en présence de 2 ennemis les plus redoutables ; la Prusse d’abord avec qui la nouvelle chambre devra chercher à conclure une paix honorable, puis l’anarchie qui nous mènerait inévitablement à une guerre civile.

Si nous avons le bonheur de traiter avec l’étranger, nous pourrons ensuite trouver la sécurité à l’intérieur, le gouvernement républicain étant sagement organisé et ne demandant rien de contraire aux vrais principes sociaux. »

Mes paroles ont reçu l’assentiment de l’assemblée et des candidats choisis par elle.

Messieurs les électeurs, je vous demande pardon de vous avoir entretenu si longuement de ma position personnelle, mais je ne veux pas qu’il puisse rester le moindre doute sur la situation politique qui m’est faite, alors que je suis forcé de me séparer d’une partie de mes amis.

Je finis, Messieurs, en vous assurant que je serais toujours fidèle à mon passé, c’est-à-dire un ami de l’ordre et de la liberté.

Je vous prie d’agréer l’assurance de mon entier dévouement.

Signé L. Martel Saint-Omer, le 4 février 1871.

 

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Le 12 janvier 1876.   Lettre de Louis Martel aux électeurs du Pas-de-Calais.

 

Messieurs les électeurs du Pas-de-Calais,

 

Mes chers concitoyens, élu sénateur à vie par l’Assemblée nationale, c’est à vous tout d’abord que je dois cet honneur, à vous qui m’avez donné un mandat législatif en 1849, et qui, depuis cette époque, à travers les phases les plus diverses, avez bien voulu me renouveler le témoignage de votre confiance, dans de nombreux scrutins électoraux. Croyez que je vous en garderai la plus vive reconnaissance, et que, si je n’ai plus à solliciter vos suffrages, je n’en resterai pas moins, avec vous, fidèlement attaché à notre Pas-de-Calais, toujours le défenseur ardent de ses intérêts, toujours prêt à saisir l’occasion de lui prouver mon dévouement.

Nous sommes appelés à des élections générales. Elles s’imposent à nous dans les circonstances les plus graves, car il en peut sortir ou le bonheur ou le malheur de la patrie. – Levons-nous tous, et agissons courageusement pour remplir les grands devoirs qui nous incombent.

Le mot République ne doit pas nous effrayer. Voyons le fond des choses:

Que s’est-il passé depuis cinq ans ? La paix, la plus difficile sans aucun doute, puisqu’elle était la plus douloureuse, a été conclue. La Commune a été vaincue, le territoire délivré, nos finances rétablies, nos forces militaires en grande partie réorganisées, l’ordre assuré partout, le pays rendu au travail, grâce au crédit et à la confiance que donne la sécurité.

Pouvions nous espérer plus ? Il nous faut absolument maintenir ces résultats, et savoir, par notre sagesse, les augmenter encore.

Pour atteindre ce but, notre ligne de conduite est naturellement tracée : nous rallier tous autour du Gouvernement du Président de la République, prêter à ce Gouvernement un loyal concours, soutenir la Constitution du 25 février, la consolider, et, si la clause de révision est appliquée, entendre cette clause comme un moyen d’améliorer nos institutions, et non comme une arme destinée à les renverser.

D’ailleurs, est-il aujourd’hui une autre forme de gouvernement possible ? Si nos révolutions ont accumulé des ruines, et si ces ruines ont laissé dans bien des esprits les plus honorables souvenirs, dans bien des cœurs les plus légitimes regrets, que peuvent en l’état des choses ces souvenirs et ces regrets ? Leur impuissance est évidente.

Le provisoire va bientôt cesser. Nous devons vouloir que le Gouvernement fondé par un vote de l’Assemblée nationale soit fort, respecté, capable de résister aux desseins et au coups des factions. Nous devons aussi nous efforcer de le mettre à l’abri des incertitudes qui pèsent encore sur nous, et qui finiraient certainement si elles se prolongeaient, par créer un véritable danger social. C’est pourquoi, dans les élections, nous n’objecterons pas aux candidats leur passé, leurs antécédents politiques, s’ils sont honnêtes, nous ne leur demanderons pas d’où ils viennent, mais nous voudrons savoir où ils vont, nous nous inquiéterons sérieusement de ce qu’ils pensent, de ce qu’ils veulent, des résolutions qui les animent. À cet égard pas d’équivoque ni de sous-entendus. Nous avons le droit et le devoir d’obtenir des déclarations précises. Je peux tenir ce langage, parce que j’avoue, sans hésiter, que je suis un ancien monarchiste constitutionnel, devenu républicain conservateur par raison, et parce que je considère la République conservatrice comme un terrain ouvert, ainsi qu’on l’a dit, au patriotisme de tous.

Si nos choix sont bien faits, nous contribuerons à former une majorité qui, dans le Sénat et dans la Chambre des députés, permettra au Gouvernement du Maréchal Président de la République de fonctionner librement, en assurant le jeu régulier de nos nouvelles institutions. Avec elle, la France jouira du repos dont elle a besoin, et elle parviendra pacifiquement à relever sa grandeur, objet de toutes nos espérances. – Là est le salut !

 

Saint-Omer, le 12 janvier 1876.

L. MARTEL. (Pas-de-Calais).