Les Guetteurs de Saint-Sépulcre, la polémique
Polémique sur la nécessité de mettre des guetteurs contre les incendies sur l’église Saint-Sépulcre
Les incendies sont très fréquents à l’époque, difficiles à maîtriser et ravagent parfois tout un quartier. Les articles du Mémorial en témoignent chaque semaine.
C’est une inquiétude majeure dans la population. On a lu la solidarité active vis à vis des familles qui perdent leurs maisons.
La détection d’un départ de feu est capitale. Nombreuses sont les familles qui s’impliquent dans les compagnies de pompiers qui jouissent d’un prestige et d’une reconnaissance.
Il y a 2 point de guet à Saint-Omer: à Saint-Bertin et à la Cathédrale.
Des audomarois s’insurgent contre l’opposition de la municipalité à établir un guet supplémentaire à Saint-Sépulcre.
Dans des correspondances au Mémorial Artésien ils tentent de démontrer que les 2 points de guet actuels ne peuvent voir et surveiller certains points de la ville.
Monsieur le rédacteur en chef du Mémorial Artésien,
Aux observations très judicieuses contenues dans la correspondance que vous avez publié mercredi dernier, l’événement de jeudi soir vient encore une fois de plus prouver combien il est essentiel d’avoir un guetteur à la paroisse de Saint Sépulcre.
En effet, au premier coup d’alarme, je me suis rendu au dépôt de pompes de la place de Saint Sépulcre. Quelques-uns de mes concitoyens s’y trouvaient déjà, et se demandaient de quel côté ils devaient se diriger. « C’est au tribunal », disait l’un ; « c’est dans la rue de Garbe », disait l’autre ; « il faut le demander au guetteur », disait un 3e ; enfin, une personne mieux avisée dit que le feu devait être dans le quartier de Saint Bertin, par la raison que le premier coup de tocsin venait de ce côté.
Cette idée prévalût, et nous nous dirigeâmes de ce côté. À l’angle de la rue de Dunkerque, nous dûmes nous arrêter, par l’assurance que nous donnèrent plusieurs personnes, qu’il n’y avait aucun incendie dans le bas de la ville. Pourtant, s’il y avait eu un guetteur à la paroisse de Saint sépulcre, nous aurions pu de suite savoir de quel côté nous diriger, et nous n’aurions pas ainsi perdu un temps précieux en courses inutiles.
2 guetteurs suffisent, nous dit-on, pour la ville de Saint-Omer, car du haut des tours de Saint Bertin et de Notre-Dame, l’on distingue parfaitement toutes les maisons.
En admettant cette appréciation, qui selon moi est erronée, encore faut-il que ces 2 guetteurs soient à leur poste. L’incendie de Monsieur Gars nous a encore prouvé que la sécurité des habitants de la ville, reposait sur une bien faible chimère, puisque que sur ces 2 guetteurs, celui de Saint Bertin était en défaut. Il a été révoqué, c’était justice, je l’admets, mais il n’en est pas moins évident que nous étions très mal gardés.
Quand bien même le guetteur de la paroisse de Saint Sépulcre ne devrait servir qu’à renseigner les habitants de ce populeux quartier, sur le lieu où ils doivent se rendre, est-ce que cela ne suffirait pas déjà pour justifier son utilité ? L’expérience de tous les jours, nous prouve combien nous devons nous méfier de nous-mêmes, et combien nous sommes sujets à l’erreur.
C’est pourquoi, quand il s’agit de choses aussi graves qu’un incendie, on ne peut pas trop s’entourer de précautions, fussent-elles même en apparences jugées inutiles. Dans des circonstances, l’on estime parfois très heureux de les avoir sous la main.
Lorsque l’on remarque l’industrie qui se développe chaque jour dans le quartier nord de la ville, et en présence surtout des causes d’incendie auquel ce quartier est menacé, l’on se demande avec raison, si les établissements qui font usage de machines à vapeur (et ils sont au nombre de 7 dans ce canton) ne devraient pas être placés sous une surveillance plus grande que les maisons particulières.
Malheureusement, l’administration municipale ne le comprend pas ainsi, mais les compagnies d’assurances, qui voient l’affaire à un autre point de vue, et plus conforme à leurs intérêts, demandent-t-elles une prime 10 fois plus élevée pour ces sortes d’établissement.
J’espère donc qu’en présence de l’alerte qui nous a été donné hier soir, et qui a eu pour effet de nous révéler l’incertitude dans laquelle se trouvait placés Messieurs les pompiers et les personnes qui se sont jointes à eux pour se rendre sur le lieu du sinistre, l’on comprendra enfin l’urgence des réclamations incessantes faites dans un but d’utilité publique.
Veuillez agréer, Monsieur le rédacteur, mes salutations cordiales.
Signé un industriel du canton Nord, Charles B.
Saint-Omer le 15 novembre 1867.
À Monsieur le rédacteur du Mémorial Artésien.
Monsieur, la persévérance que vous apportez pour obtenir le rétablissement du guet de Saint-Sépulcre vous honore autant qu’elle vous donne des droits à la reconnaissance des nombreux habitants de ce quartier. Le défaut d’une complète publicité du rapport et de la discussion qui s’en est suivie, m’empêche d’apprécier les raisons qui ont motivé la décision du conseil.
Cependant d’après un extrait que vous avez publié dans votre journal, il paraît que la commission a déclaré que du haut des tours Saint Bertin et de la Cathédrale on aperçoit très bien le quartier Saint-Sépulcre, ce que je suis loin de contester en temps que Saint-Sépulcre. Comme la surveillance des habitations ne peut pas selon moi, être trop bien faite et qu’il faille mieux compter sur la surveillance de 2 guetteurs que d’un seul, j’aurais désiré que le rapport fut plus concis à cet égard et qu’il nous eût fait connaître si c’était du haut de chacune d’elle que l’on pouvait tout voir, ou si on apercevait toutes les parties vues séparément par les 2 tours, ce qui nous mettrait à la merci d’un service plus ou moins bien fait par une seule personne.
Mais je vais plus loin, je conteste même la possibilité d’apercevoir toutes les maisons du quartier Saint-Sépulcre. Pour s’en convaincre, il n’est pas nécessaire de gravir péniblement les marches des tours en question, il suffit de faire monter le premier couvreur venu sur le faîte de beaucoup de maisons du quartier Saint-Sépulcre, puisque la discussion est établie sur ce terrain, pour de là chercher à découvrir la présence d’une ou des 2 tours de la ville. Il est bien entendu qu’on ne peut pas voir l’une sans être vu de l’autre.
Vous ne les nierez sans doute pas que pour beaucoup d’entre elles, elles ne peuvent être vues que du clocher Saint-Sépulcre sans l’être des autres tours, ou tout au plus de l’une d’elle. N’y aurait-il encore que la plus humble habitation qui échappât à tous les regards des argus, est-ce que cela ne suffirait pas ? En vérité, je ne comprends pas que l’on soit obligé de marchander ainsi de pareilles choses.
À côté de cette question s’en trouve une autre non moins intéressante. Est-ce que les guetteurs actuels, par un temps brumeux pourraient distinguer un commencement d’incendie sur un point éloigné ? C’est à peine, il faut en convenir, s’ils pourraient l’apercevoir dans leurs quartiers respectifs !
Pour tous ces motifs, j’espère que l’administration municipale autorisera les habitants du quartier Saint-Sépulcre de rétablir à leurs frais le guet qu’ils vont solliciter.
C’est sans doute pour eux une affaire bien désagréable, ainsi que vous le faites remarquer dans votre journal du 9 de ce mois, mais ils sont nombreux ceux qui cherchent à se prémunir d’un danger plus grand encore qu’ont couru Monsieur Gars et Monsieur Carton. La Providence ne vous tend pas toujours une main tutélaire comme elle l’a fait lors des incendies déclarés chez ces messieurs. L’entretien de 4 guetteurs au clocher de Saint-Sépulcre n’est pas d’ailleurs aussi élevé que vous l’avez dit, par erreur, puisqu’il ne monte qu’à 1800 Fr. pour les 8 guetteurs actuels. Et puis tout le monde en profitera, les habitants de cette paroisse auront encore la répétition des heures qu’ils n’entendent pas toujours quand le vent en emporte ailleurs le son à peine sensible.
Je vous prie d’insérer la présente dans votre estimable journal et d’agréer mes très humbles salutations.
Signé B. A.
Monsieur le Rédacteur,
La lettre de Monsieur Charles. B., insérée dans votre journal du 16 novembre, et les observations que vous avez faites à ce sujet me confirment de plus en plus dans les appréciations que j’ai eu l’honneur de vous soumettre par ma lettre du 12 de ce mois, et m’engagent à vous en faire d’autres sentant moins l’esprit de clocher, puisqu’elles s’étendent à toutes les paroisses de la ville.
Je l’ai déjà dit, le rapport concernant la surveillance de la ville contre l’incendie est écrit dans des termes qui ont pu induire en erreur beaucoup de monde, car je ne suppose pas qu’il ait pu entrer dans l’esprit de la majorité de mes concitoyens qu’il suffisait qu’un seul guetteur pût voir une partie de la ville et qu’un autre guetteur en vît une autre pour que l’on puisse appeler cela une surveillance bien faite.
L’expérience du passé et les retenues assez fréquentes exercées envers les pauvres guetteurs prouvent surabondamment que ce serait là commettre une étrange erreur. C’est cependant ce qui a lieu, je vais le prouver par quelques exemples principaux.
Dira-t-on, que le guetteur de Saint Bertin aperçoit toutes les maisons de l’enclos Notre-Dame, alors qu’une partie d’entre elles lui est cachée par la hauteur de la tour ou par l’église de cet édifice. Il n’apercevra pas davantage une partie de la rue du Lycée, masquée également par l’église de ce nom. Cette église, ainsi que celle de Saint-Denis, dérobent aussi au regard du guetteur de la Cathédrale une partie des habitations qui entourent ces monuments, sans qu’il soit possible d’apercevoir chacune d’elles des 2 tours dont il est ici question, mais d’une seule tour à la fois.
Je ne veux pas pousser plus loin mes investigations. Une expertise faite par des personnes compétentes fera mieux juger des faits que j’expose et leur donnera toute l’autorité dont ils sont susceptibles. Je suis loin de prétendre que l’installation d’un guetteur au clocher de Saint-Sépulcre, obviera aux inconvénients que je signale, mais il pourra toujours venir en aide pour que certains points de la ville soient aperçus par 2 guetteurs à la fois. Si ce but n’était pas entièrement atteint, il faudrait organiser un nouveau service qui donnerait satisfaction à chacun soit en créant un 4e guet, en comprenant celui de Saint-Sépulcre, soit en augmentant le nombre des guetteurs dans les postes où cela serait jugé nécessaire.
Je comprends l’économie dans beaucoup de cas, mais dans celui-ci on ne doit pas transiger. Il faut à tout le monde une sécurité complète, dans la mesure sans doute d’une sage prévoyance.
Agréez, Monsieur le rédacteur, mes très humbles salutations.
Signé B. A. Saint-Omer, le 18 novembre 1867