Le Doyenné d’Helfaut au XVIIème siècle

 

Le doyenné d’Helfaut au XVIIe siècle.

D’après l’article de M. le Chanoine Cooles, secrétaire général de la Société Académique des Antiquaires de la Morinie

Fascicule 305, Tome XVI, 1941

 

Les doyens ruraux.

Les doyens ruraux étaient les intermédiaires officiels entre les évêques et les desservants des paroisses :

c’étaient eux qui recevaient leur serment solennel avant de les mettre en possession des biens temporels de la cure, et de leur faire toucher l’autel, le calice, le missel, et sonner la cloche.

En présence des « gens de loi » du village, ils recevaient la déclaration que faisait le pasteur des biens mobiliers et immobiliers, et aussi des revenus des églises rurales, ils devaient veiller à ce que les règlements diocésains fussent ponctuellement observés, et que la conduite des curés fût toujours exemplaire et ne donna lieu à aucune plainte fondée de la part des fidèles. Ils étaient, suivant l’expression du Droit canonique, comme « les yeux et les bras des évêques » et leurs principaux officiers.

Ils doivent veiller à ce que les pasteurs s’occupent avec exactitude et zèle de la prédication de la parole divine, de l’administration des sacrements et de leurs fonctions pastorales.

Ils sont eux-mêmes comme les pasteurs des curés de leur district :

ils doivent les visiter, les consoler et les reprendre, les conseiller surtout.

Ils essaient d’apaiser les querelles qui peuvent naître entre les curés et les laïques, ou entre les pasteurs eux-mêmes.

Ils doivent les convoquer tous en leur maison décanale à des réunions appelées Chapitres, 2 fois par an.

Ils doivent entretenir avec l’évêque une correspondance réglée, et lui écrire au moins tous les 3 mois.

 

Ils ont le droit de prêcher, confesser et catéchiser dans toute l’étendue de leur doyenné.

Le pouvoir d’absoudre de tous les cas réservés.

Le pouvoir de bénir les cloches et les ornements,

D’approuver les maîtres d’école et de recevoir leur serment.

Ils ont mission de distribuer les Saintes Huiles dans l’étendue de leur décanat

 

À la mort des curés, il leur appartient de prendre sous leur bonne garde la maison mortuaire du confrère disparu, de tenir au courant les écrits et registres pastoraux et les livres de comptes de la cure.

Ils en font l’inventaire et les remettent, plus tard, au successeur, contre reçu.

Ils font également établir l’inventaire de tous les biens délaissés, il s’acquitte les dettes pastorales et perçoivent les revenus, qui courent dès lors pour le compte du successeur.

Pour la rémunération de leurs peines et vacations, les doyens reçoivent 30 livres.

Dans le district d’Helfaut, la coutume les autorisait à s’adjuger, sur les biens de la maison mortuaire, le « premier meuble », à leur convenance.

 

En 1681 le doyenné d’Helfaut comprend désormais, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime : Helfaut, Bilques, Blendecques, Clarques, Ecques, Hallines, Heuringhem, Inghem, Thérouanne, Wizernes.

 

Les doyens d’Helfaut

la dignité décanale n’était pas comme de nos jours attachée à la paroisse dont le district portait le nom, mais elle était personnelle.

A partir de 1636 les doyens d’Helfaut ont été successivement les curés des différentes paroisses : Ecques, Tilques, Thérouanne, Helfaut, Hallines (Jean Machart) et Briche.

 

Les revenus des paroisses.

Les dîmes

le curé de paroisses ne peut exercer un métier. Il faut donc qu’il « vive de l’autel ».

Au cours des IXème et Xe siècle, les propriétaires laïques des églises rurales s’approprièrent les taxes payées sur leurs domaines, ces dîmes furent inféodées.

Au XVIIe siècle, les abbayes et les chapitres de chanoines, propriétaires de villages ou « d’autels » conservèrent la haute main sur sur ces églises et se firent leurs propres décimateurs.

Ils en confièrent l’administration à des prêtres, à qui ils fournissaient une pension supposée convenable, congrue. Cette pension était simplement alimentaire et n’avait pour objet que de subvenir à la subsistance du pasteur qui était déchargé de l’entretien des bâtiments.

Dans le doyenné d’Helfaut, les curés n’étaient tenus ni d’entretenir, ni de reconstruire le chœur, la nef était toujours à la charge de la paroisse.

On conçoit pourquoi la dîme était si impopulaire : visiblement elle ne correspondait plus aux buts pour lequel elle avait été instituée à l’origine. Levée sur les produits du sol et le croît des animaux domestiques de la paroisse, elle était de soi destinée à l’entretien du curé et de l’église paroissiale, mais en fait la majeure partie servait à entretenir, et à enrichir, des monastères et des chapitres étrangers, tandis que le pasteur avait peine à joindre les 2 bouts et que l’église elle-même était négligée et quelquefois tombait en ruine.

En outre, les corps religieux qui en étaient les propriétaires en affermaient la perception à un intermédiaire, qui poursuivait son dû avec une âpreté désagréable et sans beaucoup de ménagement. Et le paysan avait gros cœur de voir la fourche du décimateur, ou de ses fermiers, enlever une partie de sa récolte, fruit de ses sueurs, au profit de gens étrangers au village et qui ne lui étaient rien.

 

Les principaux décimateurs, dans les différentes paroisses du doyenné d’Helfaut, était le chapitre de la Cathédrale de Saint-Omer et celui de Notre-Dame de Boulogne, le chapitre d’Ypres, l’abbaye de Saint Bertin, les Dominicains et les Religieuses pénitentes de Saint-Omer, l’abbaye de Sainte-Colombe de Blendecques.

Ils s’adjugeaient la grosse part, les 2/3 des grains au moins, c’était les gros décimateurs.

Le curé prenait ce qu’on voulait bien lui laisser : les menues dîmes et les oblations, mais cette maigre portion ne suffisait pas à le faire vivre et les gros décimateurs se trouvaient obligés d’y ajouter une pension.

La dîme était due par tout le monde. Les curés la payaient pour les terres du patrimoine curial, et à plus forte raison pour leurs biens particuliers.

 

Dans le doyenné d’Helfaut on distinguait 2 sortes de dîmes, les dîmes champêtres et les dîmes de sang

Les dîmes champêtres

les dîmes champêtres se cueillent et lèvent sur toute espèce de grains venant à mûrir.

La dîme se paie en nature et le décimateur est obligé de la venir prendre sur le champ. Quand le blé est coupé, le laboureur doit avertir le gros décimateur qu’il peut venir prendre possession de sa dîme. Il ne peut enlever la récolte avant que ce dernier, ou son commis, ne soit venu, avec sa fourche, prélever la part de l’Église.

Mais le laboureur n’attendait pas toujours ce moment pour charrier la moisson et le décimateur ne pouvait recueillir que ce qu’on lui avait abandonné : de là de vives réclamations.

Le registre du doyenné a conservé trace de ces querelles : « une longue expérience a prouvé aux confrères de ce décanat que les misères de la guerre et la ruse de beaucoup de cultivateurs ont donné lieu à des fraudes. » Les curés décidèrent de se pourvoir devant le conseil d’Artois.

Ils demandaient d’avoir les mêmes prérogatives que les Religieux, Abbés et Couvents.

 

Le taux de la dîme était très variable, il n’était généralement pas d’un 10e, mais d’un 11e. Sur certaines pièces de terre elle n’était que de 8 %.

Au moment voulu, le curé-décimateur envoyait un homme à lui ou son commis, pour quérir sa part, avec un cheval et une charrette, qu’il rétribuait.

Pour le laboureur, la dîme présentait ceci d’équitable qu’elle suivait les fluctuations de la récolte.

Il n’était pas non plus d’usage de percevoir la dîme sur les jardins.

La dîme de sang.

Elle était prélevée sur le croît des animaux domestiques : cochons, poules, agneau, etc.

le taux était de la 10e tête, ou de leur 11e.

 

Les dîmes dans les paroisses.

Les modalités d’application de la dîme variaient d’une paroisse à l’autre.

L’ancienne France était réglée bien plus par des coutumes locales que par des lois générales, ses coutumes variaient de village à village et d’un lopin de terre à un autre.

On sait qu’à Helfaut le curé percevait 3 gerbes et l’archidiacre de Flandre 6. La menue dîme et un supplément de portion congrue de 69 florins.

À Inghem les dîmes étaient insuffisantes pour faire vivre le prêtre qui ne possédait qu’un 6e de la dîme.

Le curé de Wizernes avait droit à 330 florins de portion congrue, à prendre sur les abbés et religieux de Saint Bertin, en vertu d’un accord passé par devant les commissaires du conseil d’Artois.

 

Au total : les revenus des cures rurales étaient notoirement insuffisants.

Cette disproportion s’accusera encore davantage après un siècle, elle fera l’objet de vœux dans presque tous les cahiers du clergé pour les États généraux de 1789.

 

Les honoraires des services ou casuel.

Le pasteur réclame encore un honoraire à l’occasion du mariage et des funérailles. Le casuel était vivement critiqué.

Les curés auraient salué avec plaisir la suppression du casuel s’ils avaient pu jouir de leurs dîmes.