Le clergé de Saint-Omer pendant la Révolution

Bulletin historique de la Société des Antiquaires de la Morinie

Tome XI, Année 1902 1er fascicule

Communication de M Paul Marion, membre titulaire

D’après des notes extraites de l’ouvrage de Mgr Deramecourt

« Le clergé du diocèse d’Arras, Boulogne et Saint-Omer pendant la révolution »

 

 

Extraits de la communication de M Paul Marion :

Le clergé de Saint-Omer pendant la révolution (1789-1802)

 

L’ancien clergé

le diocèse de Saint-Omer, héritier des plus riches débris du vieux diocèse de Thérouanne, malgré son périmètre très restreint et le nombre modeste de ces paroisses (104) était peut-être le plus abondamment pourvu de ressources pieuses.

Le Chapitre de Saint-Omer se composait de 16 bénéficiers, de 8 enfants de chœur, de 4 dabo, d’un certain nombre de chantres, de 10 musiciens, de 5 massiers, de plusieurs clochemans, de garçons de fabrique, de suisses, de carillonneurs et d’employés divers.

La cathédrale de Saint-Omer était surtout remarquable par le trésor sacré qu’elle possédait.

Le Chapitre de Saint-Omer avait toute autorité dans son enclos et sur ses habitants ; l’appel de ses jugements n’était reçu que devant le Conseil d’Artois.

Les conférences ecclésiastiques furent établies à Saint-Omer en 1680. Le diocèse de Saint-Omer fut divisé en 16 conférences se tenant pendant 8 mois de l’année.

Pour éviter les dépenses et autres inconvénients, presque inséparables des repas qui se font en semblables occasions, il était défendu de boire et de manger ensemble au jour et au lieu de la conférence, qui se tenait à l’église, de midi à 2h30.

 

En cas de faute canonique ou de quelque délit de droit commun, le prêtre coupable comparaissait devant l’officialité diocésaine.

Il ne se prononçait que sur les infractions relatives aux vœux de religion, aux sacrements, à la discipline, qui n’encouraient que des peines canoniques.

Quant aux délits qui troublaient l’ordre public, l’official pouvait en faire l’instruction conjointement avec le juge civil, mais ce dernier seul pouvait les juger.

 

Le séminaire le plus florissant et le plus riche des 3 diocèses était celui de Saint-Omer.

D’après l’état dressé officiellement le 29 octobre 1790, il renfermait 21 séminaristes et 28 humanistes.

L’évêque y avait son quartier, où étaient logés 3 chanoines.

Son personnel comprenait un président (chanoines), un économe, un sous-économe, 2 professeurs de théologie, un sous président et un préfet des humanistes.

Ses ressources s’élevaient à plus de 22 000 livres de revenu annuel.

 

Le collège des boursiers de Saint Bertin était celui qui se rapprochait le plus des séminaires diocésains.

On y comptait encore, outre les 40 boursiers, 24 pensionnaires.

Comme le costume des écoliers était une soutane en drap rouge avec des manches blanches, cet établissement portait encore communément le nom de collège des Blanches Manches.

 

Saint-Omer possédait, en outre, le collège Français et le collège Anglais.

Le collège Français, fondé par Philippe II en 1566, était dirigé par les Jésuites et avait pris un réel essor. On peut dire que cette maison d’instruction était une des plus belles du Nord de la France.

L’instruction y était absolument gratuite ; on n’exigeait des élèves que 24 sous, payables en 2 termes, pour les réparations nécessitées par les dégradations.

 

Quant aux écoles populaires, Saint-Omer possédait, pour les garçons, l’école des Frères qui s’installèrent en 1720 ;

et pour les filles, les écoles tenues par les Sœurs du Soleil et les Sœurs Grises.

 

 

Schisme. -Les 2 clergés. -Première persécution.

Quand, le 13 février 1790, l’assemblée constituante décréta que la loi constitutionnelle ne reconnaîtrait plus à l’avenir les vœux monastiques, et que les religieux et religieuses étaient libres de sortir de leur couvent, nos grandes abbayes bénédictine de Saint-Vaast, Saint Bertin, Anchin, Clairmarais n’eurent pas une seule défaillance à enregistrer.

Les chapitres d’Aire et de Saint-Omer surent élever la voix pour protester.

Au moment où l’on décréta la Constitution civile du Clergé, l’évêque de Saint-Omer, Monseigneur de Bruyère Chalabre, dans sa lettre pastorale du 1er février 1791, réfuta courageusement le sermon sur l’accord de la constitution Française avec la religion, par le père Detorcy.

 

Dans le remaniement complet des circonscriptions paroissiales, on conserva à Saint-Omer 4 paroisses et une succursale dans le Haut Pont.

D’accord avec ses collègues de Boulogne et d’Arras, Monseigneur de Chalabre, évêque de Saint-Omer, montra, dans sa lettre pastorale du 28 avril, le vice radical dont la nomination de Porion (évêque constitutionnel) était entachée.

L’incident le plus grave de cette période fut, à Saint-Omer, l’arrestation de Monsieur Pierre Louis de Lauretan, ancien maire de cette ville, pour avoir représenté au curé de Zudausque qu’il avait tort de prêter le serment exigé par la loi. Il fut ensuite remis en liberté, mais obligé de s’exiler, ce qui montre où en était arrivée la surexcitation de l’opinion publique.

Le renouvellement partiel ou total des autorités des districts et des communes a précipité le mouvement révolutionnaire. Saint-Omer, en se donnant pour notables le vicaire épiscopal Dupont par 59 voix, et l’évêque Porion par 46, entendit poursuivre légalement les réfractaires.

De leur côté, les évêques de Saint-Omer et de Boulogne s’unirent pour protester, de nouveau, dans des instructions lues et commentées dans les assemblées des catholiques.

Aussi les constitutionnels demandèrent-ils la fermeture immédiate des chapelles et oratoires où leurs doctrines étaient si victorieusement réfutées.

Dès ce moment, le mot d’ordre fut d’accélérer, contre le clergé, le mouvement de persécutions décrétées par les clubs.

À Saint-Omer, on procéda successivement à la fermeture de l’église des Récollets, des Clarisses, des Pénitentes, des Sœurs Grises de l’Assomption, de l’Hôpital de Saint Jean-Baptiste, des dominicains, de la Maladrerie, de Saint-Louis, des Frères et de Notre-Dame.

 

Dans l’assemblée tenue à Saint-Omer, les membres du tribunal révolutionnaire du Pas-de-Calais furent élus, dans l’église Saint Bertin, du 11 au 17 novembre 1792. Joseph Le Bon, pour faire définitivement parti de ce tribunal, avait donné sa démission de maire d’Arras.

Le district de Saint-Omer, une fois sur la route du mouvement révolutionnaire, y marcha rapidement.

Le trait suivant le montre péremptoirement:

le 1er septembre une députation de la société populaire montagnarde dit qu’il existe à Saint-Omer des portraits de rois et notamment, à l’évêché, une salle remplie des portraits de tous les ci-devant évêques ;

elle en demande un autodafé. On décide que, le lendemain, la municipalité fera élever, pour 4 heures du soir, un bûcher sur la grande place de Saint-Omer ;

on requerra 2 tombereaux pour aller à l’évêché et à la maison commune chercher les portraits.

Tous les corps de la ville seront présents. Cette délibération fut exécutée au pied de la lettre.

 

La Terreur

la ville de Saint-Omer était, plus que toutes les autres, livrée aux agitations antireligieuses, et l’évêque Porion en arriva à profaner lui-même la fête du patron de la ville en mêlant les cérémonies religieuses aux manifestations civiques.

En même temps, on préparait les prisons : le collège anglais devenait la maison d’arrêt ; l’hospice Saint-Jean devenait l’hôpital de la Fraternité ; celui de Saint Bertin s’appelait l’hôpital ambulant des Sans-culottes.

 

On arrivait aux exécutions, Saint-Omer, Béthune et Boulogne virent arriver la terrible machine.

La manière d’agir du tribunal révolutionnaire était très sommaire.

On commençait par lire l’acte d’accusation qui souvent ne faisait que reproduire les termes des arrêtés de Le Bon.

Ensuite, on donnait la parole à l’accusateur, l’accusé parlait ensuite, s’il le désirait, puis le défenseur officieux s’il y en avait un.

Bientôt le jury prononçait et le président lisait la sentence. Puis le tribunal ordonnait que l’exécution aurait lieu dans les 24 heures.

Arrivé à Saint-Omer, Le Bon s’installa démocratiquement à l’auberge de la Petite Sainte-Catherine. Il réunit, au son de la caisse, tous les citoyens dans la vaste église des Jésuites. Son discours fut suivi d’un certain nombre d’arrestations.

Dès ce jour, les renonciations des prêtres constitutionnels à leurs fonctions ne manquèrent pas de se multiplier.

 

Le 5 février 1794 Le Bon fit faire un inventaire des dépouilles des églises de Saint-Omer et de leurs trésors en or, en pierreries, en étoffes avec perles et pierreries.

L’évêque Porion ne se contentait pas de sa renonciation au culte et de la trahison de ses lettres de prêtrise, il finissait par un mariage dont l’acte figure sur les registres de l’État civil de Saint-Omer.

… On est obligé de constater qu’à Saint-Omer, plus qu’ailleurs, la révolution eut souvent un caractère impie et sacrilège.

 

La dernière persécution – Restauration du culte

La nouvelle administration départementale ayant décidé que tous les bâtiments à usage du culte seraient mis en vente, une grave mesure fut prise à l’égard de la ville de Saint-Omer.

On décréta que l’église du Saint Sépulcre serait conservée pour les besoins du culte et celle de Saint-Denis pour les assemblées politiques, mais que toutes les autres seraient vendues.

Ainsi Notre-Dame et Saint Bertin, les cloîtres et la bibliothèque des chanoines, Saint-Jean et la chapelle du collège anglais devaient être mis aux enchères.

Mais, heureusement, survint le 18 brumaire, et un arrêté des Consuls s’empressa d’annuler les arrêtés de déportation et les autres mesures de persécutions édictées par le Directoire.

Une fois arrivé au pouvoir, Bonaparte comprit qu’il devait rétablir la religion catholique, la vieille religion de la France.

 

La cathédrale de Saint-Omer fut ouverte au culte catholique le 6 juin 1802, jour de la Pentecôte.

À Saint-Omer, la statue de Notre-Dame des miracles qui avait été cachée dans les combles de la cathédrale, quand cet édifice devint un magasin au fourrage, et transportée ensuite à Saint-Denis, fut ramenée solennellement à Notre-Dame le 1er mars 1803.

Le chef du saint patron de la Morinie fut remis entre les mains du curé de Notre-Dame, le 9 septembre 1803, par le citoyen Rolland qui l’avait conservé.

Les reliques de Saint Bertin furent reconnues un peu plus tard, en 1806, est remises à Monseigneur par le marchand Leclercq, qui en avait acheté la châsse.

Les reliques de saint Maxime et de saint Erkembode avaient été rendues au trésor de la cathédrale de Saint-Omer, 2 ans auparavant, dans des conditions analogues.