1520 1709 Antoine Martel

 

HISTOIRE D’UNE FAMILLE MARTEL DE SAINT-OMER

 

Antoine Martel  16 septembre 1665 – 18 mars 1709

 

Au cours du 16ème siècle, le suivi est peu fourni, peu précis et nécessite la prudence.

Le patronyme Martel est répandu, je n’ai pas d’état civil

A partir du début du 17ème siècle, les actes paroissiaux (baptême, mariage, sépulture) et les actes notariés assurent plus de certitude. Depuis 1667 et l’ordonnance de Saint-Germain-en-Laye, avec l’obligation de tenir en double les registres, un exemplaire reste au curé, l’autre est porté au greffe. Même si l’application semble n’avoir été que progressive.

 

 

D’après Bernard Chovaux l’hypothèse peut-être raisonnablement admise d’un Simon Martel présent vers 1520, ancêtre de la lignée.

Jusqu’en 1640 environ je me réfère à ses recherches (Archives du chapitre de Saint-Omer, Gros de Saint-Omer…) pour établir la lignée des Martel de ma famille, jusqu’à ce que Jan Martel et Marguerite Jennequin apparaissent dans les relevés d’état civil.

Simon Martel, laboureur à Inghem, qui a épousé une de Furnes.

A ce moment l’Artois, Saint-Omer, sont, de principe, propriété de la maison de  Habsbourg, de Charles Quint.

En 1529, après Pavie, le traité de Madrid, François 1er abandonne la suzeraineté de l’Artois et de la Flandre qui sont possessions de Charles Quint , comte d’Artois, et qui se libèrent ainsi des liens de vassalité vis-à-vis du roi de France.

 

Les villages ou hameaux  qui nous intéressent, Herbelles, Pihem, Inghem, Tilques, etc. sont situés dans un périmètre de 10km autour de Saint-Omer. Ils seront directement concernés par les péripéties historiques de cette ville.

 

Simon Martel  a un fils : Simon Martel appelé « le jeune » qui épouse Jehenne TARTARE. Il est noté vers 1545 et 1556. Simon décède avant Jehenne.

Celui-ci a au moins une sœur : Jehenne MARTEL qui épouse Anthoine BABELIN en premières noces puis Henri FRANÇOIS.

 

Ils sont espagnols. En effet en 1555, Charles Quint abdique de sa souveraineté sur le domaine héréditaire des ducs de Bourgogne. Son fils  Philippe II lui succède  et devient roi d’Espagne et comte d’Artois et de Flandre.

La période est agitée de conflits sur tout ce territoire: conflit entre la couronne d’Espagne et les Provinces du Nord. Après la révolte des « Gueux » en 1568 contre Philippe II d’Espagne, plusieurs années de guerre et de répression cruelle menées par le Duc d’Albe, conduisirent, en 1579, à une partition entre les Provinces-Unies au nord, indépendantes et protestantes (Union d’Utrecht), et les Pays-Bas espagnols catholiques au sud (Flandre, Artois).

On imagine ces familles villageoises, de paysans,  vivant sur leurs terres toutes ces années dans la crainte, pouvant être soumis aux passages de la troupe avec ses destructions, réquisitions ou pillages de leurs ressources.

 

Simon Martel « le jeune » et Jehenne ont au moins  3 fils : Jehan, présent en 1558, Robert présent en 1559 et Pierre

 

Pierre Martel  épouse Guerardine Centeraine.

Il y a un Pierre Martel bailly d’Inghem en 1569. Un acte par lequel, assisté d’autres habitants du village, « et autres manans » ils ont été « choisis et commis pour recevoir les rapports de toutes les maisons, jardins, terres à labeur, prez, bois, moullins et tous autres biens immeubles s’y avant qu’ils sont gisant au dit hameau et seigneurie du dit Inghem. »

« Pierre Martel a aussi déclaré que lui appartient en propriété le nombre de quatre vingt quatre mesures, quarante cinq verghes… dont il y a … tant manoir que jardin et le reste terres a labeur. »  Soit environ 36 hectares, si l’on se rapporte à la valeur de ces mesures à Saint-Omer.

Il existe un autre acte avec Pierre Martel bailly d’Inghem daté de 1574. Ailleurs « le dit (Claude Le Thieulier) tient encore en louage de Pierre Martel bailly du dit Inghem cinq quartiers de terre a labeur. » Rôles d’imposition au centième Inghem  1569  2 C 1569/28

Est-ce le Pierre Martel fils de Simon ? en tout cas, cet extrait à l’avantage d’un petit éclairage sur l’organisation locale.

L’Artois et la Flandre sont sous l’administration espagnole de Philippe II d’Espagne.

 

Pierre Martel et Guerardine ont eu au moins 3 fils :     tableau

–  François Martel qui a épousé Jenne CHUETTE

–  Guillaume Martel qui a épousé Jehenne DUFLOS, il était maître arpenteur et juré d’Inghem en 1600 et en 1611. Ils ont au moins 2 enfants : Liévine et Georges

–  Jan Martel qui a épousé Marie De Wavrans en 1580. En seconde noces il épouse Péronne Dumont, il est laboureur à Inghem.

« Rente crée par Jean Martel et Guillaume Martel, au profit de François LESAIGE pasteur, le 29/12/1592.»  Reconnaissance N° 37 le 11/7/1645 (Y Lemaire)

En 1600, les Martel détiennent 19 parcelles qui se répartissent entre Franchois, Jan, Guillaume et Péronne (fille de Jan et Peronne Dumont).

En 1611 Jan et Guillaume vivent tous deux à Inghem.

Jan Martel a eu  au moins 3 enfants,

Gilles qui épouse Marie Lieux (ou Lihu), ils ont 8 enfants : Anne, Andrieu, Antoine, Marie Anne, Marie Françoise, Jenne, Chrestienne, Jenne Thérèse.

Péronne qui épouse François Robbe le 7 juillet 1607, ils ont au moins 3 enfants : Gilles, Liévin, Marguerite.

Antoine Martel qui épouse Marie Delpouve.

« 18/10/1625  rente créée par Antoine MARTEL d’Inguehem et Pierre Delepouve fils Pierre, de Dohem, au proffit de la dite DAVARY. » (cité par Bernard Chovaux) Pierre est le frère de Marie. Marie et Pierre sont enfants de Pierre Delepouve et Jehenne Caroulle. C’est d’Antoine Martel et Marie Delpouve que je descends.

Ils ont au moins un fils Jan Martel. Dont je n’ai pas trouvé l’acte de naissance.

Ce Jan Martel d’Inghem épouse Marguerite Jennequin ICI (ou Zennequin ou Zunnequin) de Pihem. Probablement en 1661.

« ces orthographes n’étaient pas figées, elles étaient phonétiques et dépendaient, de fait, du niveau d’instruction à la fois du déclarant et de celui qui recevait par écrit la déclaration orale, et toutes les orthographes possibles d’un patronyme, prénom ou toponymes doivent alors être envisagées. »Beatrice Beaucourt, paléographe, Généanet.

Marguerite Jennequin a été baptisée à Pihem le 10 août 1645 (Louis XIV a 7 ans, Philippe IV d’Espagne 40 ans), ses parents sont Pierre Jennequin, désigné à plusieurs reprises « chirurgien » à Pihem, et Jacqueline Forest, mariés le 25 novembre 1643, l’acte de baptême est rédigé en français. Marguerite est la 2ème de la fratrie, elle aura 7 frères et sœurs :  André  (1644), Marie (1648), Jacques (1652), Robert (1657), Nicolas (1658), Pierre, Jean.

« Au XVII e siècle, les chirurgiens-barbiers restent constitués en communautés de métier et tiennent boutique. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait des études, ou de connaitre le latin. Il suffit de faire son apprentissage, de réussir un « chef-d’œuvre », et finalement devenir maître et, à son tour, former des apprentis. » Pihem  AD62  5 MIR 656/1 20/66   5 MIR 656/1 53/66

Ils vivent à Pihem, à 10  km au sud-ouest de Saint-Omer, Pihem et Inghem sont distants de 4 km. Au hameau de Bienques à Pihem.

3 P 656/3 Pihem  tableau  d’assemblage 1823

Jan Martel  est un « petit laboureur ».

La vie quotidienne, à cette époque et dans cette région de Saint-Omer, est ponctuée d’anecdotes qui parfois relèvent de caractères marquants de la société, comme la chasse aux sorcières qui atteint son paroxysme dans ce siècle.  Témoin la relation du motif de ce procès que l’on qualifierait aujourd’hui de « diffamation ».

«  (Entre) Margueritte NINALTE femme de Michiel BERTAU corporal dans la compagnie du Viscomte de Langle ; (et) Jan MARTEL bourgeois chapelier en ceste ville et Marye CAPERON sa femme ; procès intenté par devant mayeur et eschevins de St Omer, par la dite 1ere comparante, allencontre des dits 2nds comparants, entre autre choses de l’avoir appellé « sorcière », .. les dits 2nds déclairent de n’avoir aucune mémoire d’avoir usé allendroit d’icelle 1ere compant de ce mot « sorcière », et ou que chose samblabe leur seroit eschappé par colére. » (Ce Jan Martel n’est pas notre Jan Martel d’Inghem.)

« Magie et sorcellerie envahissent la scène, en particulier dans le monde rural. » Yves Lemaire 817 Divers (Convention N° 12) le 20/7/1643.

L’Église post-Concile de Trente et relais de l’absolutisme royal aura du mal à lutter contre ces croyances répandues dans les campagnes.

L’inexplicable des malheurs de la guerre  incite à trouver des responsabilités dans l’irrationnel. Les sorcières sont toutes désignées :

Jacques Piccottin, jeune homme à marier d’Éperlecques, explique ainsi le meurtre commis par lui et par sa belle-sœur sur la personne de Péronne Flamen, une veuve de 80 ans, à la fin du mois d’août 1645.

« Leur famille a été ruinée par la guerre et a notamment perdu tous ses bestiaux. Les Piccottin ont racheté des vaches et des chevaux, mais la maladie s’est abattue sur eux. Voyant qu’un cheval payé très cher est sur le point de mourir, ne sachant à quelle cause l’attribuer, il leur revient en mémoire une « mauvaise tâche de sorcellerie dont estoit famée une Péronne Flamen ». Ils la saisissent de force dans sa baraque, prés de l’église et l’amènent chez eux en lui ordonnant d’ôter le sort qui pèse sur le cheval. Elle s’en dit incapable, car elle n’est pas sorcière. L’animal meurt précisément durant cette conversation si bien qu’ils la battent à coups de bâtons. Elle trépasse peu après » (La violence au village, Robert Muchembled)

Et toujours le même Jan MARTEL chapelier à Saint-Omer : esprit de corporation.

« Jacques MARISSAL, Pierre CHRESTIEN, Jan MARTEL, Pierre DELANNOY et Jean TENEVE tous bourgeois et maîtres chapelier à St Omer ; pour le proffit du dit mestier, … ne prendre par eux, leurs serviteurs, .. aulcuns chapeaux à teindre ou laver des grossiers et autres marchands vendans chapeau en ceste ville, sera submis de payer au proffit de la chapelle de Madame Ste Barbe en l’église de St Sépulchre en la dite ville. » Yves Lemaire 1406) Divers : Compromis N° 65 le 2/3/1645

Et sur les conditions de travail :

« Andrieu BAUDON marchant drappier en ceste ville ; Jenne DE RACQUINGHEM vefve de Hugues MARTEL, de ceste ville ; la dite seconde employé chez le dit BAUDON, Franchoise MARTEL sa fille agée de 17 ans, pour travailler au stil d’icelluy BAUDON, à carder et filler de la laine.., lequel travail depuis 7heures au matin jusques à 8heures au soir. » Yves Lemaire 2372) Accord N° 58 le 12/10/1652

À noter aussi l’emprise de l’Église sur la vie et l’économie : « le 26/8/1662 : Jean HANOTTE recepveur des chanoines graduez de la cathédralle de St Martin en la ville d’Ipres, demt en la ville d’Aire; George CAPELLE bg maître machon et Robert HAZENBERGUE aussy bg maître charpentier, demeurants en ceste ville; raison des dismes qu’ont droit de lever les dits Seigneurs chanoines au villaige de Wavrans, ils font subvnir à l’entretenent et réparaon du coeur de l’église du dit Wavrans.» Yves Lemaire 344) le 26/8/1662 : Accord

Ce qui n’empêche pas les moines de vendre le fourrage de leurs terres:

le 17/6/1671 « Abbaye de Sainct Augustin lez Théroanne » vente des herbes sur les preys appartenans à Merrs les Religieux Abbé et couvent de Sainct Augustin lez Théroanne: à Anthoine MARTEL de Herbelles.» Yves Lemaire  341 Demeure N° 4 le 17/6/1671

Sur la dîme et le clergé voir ici.

Et la violence qui demande réparation:

« Obligation le 24/11/1662 à Aire : Martin DUQUESNOY labour demeurant à Cohem; à Jencques QUILIEZ serviteur de charue demeurant à St André lez la ville d’Aire; un coup de cousteau par luy receu dans les rains au village de Querecques, de quoy en est inculpé le dit DELANNOY. » 1353) Obligation N° 518 le 24/11/1662 à Aire

Ou transaction :

«Transaction le 20/6/1661: Marcq VASSEUR bailly de Pihem, pére de déffunct Jean son fils; Antoine MARTEL fils de feu Mre George, vivant greffier d’Inguehem; homicide comis par le dit second en la personne du dit Jean VASSEUR fils de Marcq; avecq luy Catherine ALLEHOY sa mére, veuve du dit Mre George, comme caution ». 2230) Transaction N° 18 le 20/6/1661

Antoine MARTEL meurtrier, petit fils de Guillaume Martel, cousin issu de germain de Jan Martel et Marguerite Jennequin.

« le port d’armes presque systématiques explique la fréquence des combats. Cette sociabilité conflictuelle, basée sur une défense constante du sens de l’honneur, n’est pas vraiment considérée comme une criminalité, malgré les homicides qui en résultent. Plus de 82 % des meurtriers pardonnés par le prince. (lettres de rémission) Les armes blanches, couteaux, dagues, épées, etc. représentent 60 % du total. Les tableaux de Brueghel confirment ces notations : les paysans dansent, s’amusent, boivent et mangent sans quitter l’arme qui pend à leur ceinture, sauf pour la déposer à portée de main ou contre un mur proche. »La Violence au Village, Robert Muchembled.

La taverne, alcool aidant, est un lieu privilégié des rixes et de la violence.

Et 10 ans plus tard, le même, comme geôlier des prisons du château de Saint-Omer ! « le 3/2/1671 : Bail, Anthoine MARTEL geolier des prisons du chateau de St Omer ; à Jacques TARTARE, Anthoe GUILLEMIN labour et Barbe GUILLEMIN vefve de Pierre COPPIN, dems à Inguehem ; le dit MARTEL en son nom et se portant fort de Catherine ALHOYE sa mére ; terres, manoir amazé de maison, grange et estables, jardins et terres à Inguehem. » 1328) Bail N° 289 le 3/2/1671 Y.Lemaire.

Pas de passage par la  faculté de pharmacie pour s’installer, 2 ans de stage chez un marchant « appoticquaire » :

« le 18/8/1667 : Jan Baptiste HENDRICQ marchant appoticquaire à St Omer; Jan Baptiste DE CLETY marchant en la dite ville; le dit premier tenir chez luy, Nicolas Alexandre DE CLETY frére utérin du dit second comparant, pour enseigner l’art d’appoticquaire (2 ans); » 414) Accord N° 27 le 18/8/1667  Y.Lemaire

 

Jan Martel  et Marguerite Jennequin  ont eu 7 enfants : Jacqueline, Jan, Antoine, Marie, Marguerite, Anne et Pierre.

Ils sont espagnols depuis 1 siècle. Les Pays-Bas espagnols ont vécu une période de calme et de prospérité sous les « Archiducs », l’infante Isabelle et l’archiduc Albert (fille et gendre de Philippe II), à partir de 1598, jusqu’à la mort d’Albert en 1621.Mais en 1635, Louis XIII et Richelieu entrent en conflit avec la puissance espagnole. la France encerclée par les Habsbourg s’attaque alors, entre autres,  aux forces espagnoles dans les Pays-Bas méridionaux. Et au début du printemps 1638, « l’armée française regroupa ses forces et le maréchal de Châtillon prévoyait de s’introduire en territoire ennemi avec pour objectif de s’emparer de la place de Saint-Omer, mais le 15 juillet il dut abandonner le siège » et laisser la ville aux Espagnols.

On imagine ce printemps 1638 à Pihem, avec les troupes cantonnées tout autour de Saint-Omer, en mouvement dans les cultures, s’approvisionnant et rançonnant les fermes et les villages.

Cependant les armées françaises devaient maintenir leur pression sur l’Artois. Elles s’emparent d’Arras le 9 août 1640 (Cyrano de Bergerac !). La paix ne sera signée qu’en 1659.

Au cours de toutes ces années les troupes sillonnent la région et l’insécurité règne comme en témoigne des actes notariés :

« Adrienne BOUVART … Jenne BAUWAIN veuve de Phles MARTEL, …, tous réfugiés en ceste ville à cause de la guerre, par avant demeurants, le dit Francois à Seninghem, la dite Jenne à Harlette et les autres à Coulomby. » Y Lemaire, 5) Reconnaissance N° 95 le 9/7/1639
« Pierre Zennequin réfugié de Campaigne lez Boullenois à Stalle pays de Flandre, Jacqueline FOREST sa femme… »  Ce sont les parents de Marguerite Zennequin, futurs beaux-parents de Jan Martel. Ils quittent l’Artois menacé pour se réfugier en Flandres espagnole. Y Lemaire, 50) Reconnaissance N° 50 le 5/12/1639.

Cependant cette date du 5/12/1639 me laisse perplexe car Pierre Zennequin et Jacqueline Forest se sont mariés le 25/11/1643. Pihem   5 MIR 656/1  53/66.

« Les habitudes militaires de ces périodes occasionnent de ce fait des ravages très importants…  Exactions et pillages, destructions de récoltes, rançons exigées des habitants se conjuguent fréquemment avec les disettes et les pestes » (Robert Muchembled)

Le 7 novembre 1659, le traité des Pyrénées est signé par Mazarin au nom de Louis XIV (21 ans), il entérine la victoire de la France sur l’Espagne de Philippe IV. La France récupère une partie de l’Artois, moins Saint-Omer et Aire-sur- la- Lys qui restent dans la partie espagnole de l’Artois : « l’Artois réservé ».

Louis XIV ne pouvait tolérer une frontière ennemie aussi proche de Paris. Il est poussé par Vauban qui veut « une frontière au carré ». Il faut prendre Saint-Omer.

À  Pihem, le petit dernier dans la ferme familiale, Pierre  Martel a 18 mois lorsqu’au début de 1677 les troupes françaises entreprennent à nouveau  le siège de Saint-Omer. Sa sœur aînée Jacqueline a 15 ans et Antoine 12 ans.

« Pendant tout le temps qu’elle fut capitale de l’Artois Réservé son territoire fut parcouru par les armées françaises. Enfin la place subit, en 1677, un dernier siège et se rendit au Duc d’Orléans, frère de Louis XIV. » (Pagart d’Hermansart, le siège de Saint-Omer 1888, Gallica BNF).

« Louis XIV veut assurer à jamais le repos de ses frontières. Il s’était proposé de délivrer ses États des maux que Saint-Omer, seule place de l’Artois qui appartient encore aux Pays-Bas espagnols, leur cause, en troublant le commerce aux pays conquis, entre Dunkerque et Arras. »

La campagne militaire commença dès avril 1676. En juillet 1676, les troupes de Louis XIV se dirigent vers « l’Artois Réservé ». L’inquiétude est grande à Saint-Omer, les fortifications sont en mauvais état, mais la population était très attachée à la maison d’Espagne.

« Elle pensait très sainement que cet événement (la conquête par la France) amènerait un changement politique devant entraîner la ruine des antiques libertés et des anciens privilèges de la cité. D’ailleurs, la nationalité des habitants était absorbée depuis plusieurs générations dans la domination espagnole. »

Des travaux de terrassements et de consolidation furent entrepris par la population et « enfin, on inonda les terres basses voisines des faubourgs. » Quelques renforts en hommes arrivèrent de Hollande.

Non loin, la ville d’Aire-sur-la-Lys ( à 20 km au sud-est de Saint-Omer) était emportée par les français le 31 juillet 1676. La terreur régnait à Saint-Omer, le lendemain 1er août, « le magistrat fit chanter à 8h du matin dans la chapelle de Notre Dame des Miracles une messe pour implorer l’assistance de la patronne de la cité. »

«L’année 1677 s’ouvrait en effet pour les habitants de Saint-Omer, sous les plus sombres perspectives. Des détachements français partis d’Aire, de Calais et de Gravelines, parcouraient la campagne et empêchaient les approvisionnements.   La garnison de la ville comprenait environ 5000 hommes. » « les marais qui s’étendaient au nord et à l’est et qui pouvaient facilement être inondés, assuraient dans ces directions une certaine sécurité contre les attaques du dehors. »        « Le fort Saint-Michel entre Arques et Longuenesse était bien armé… L’ouvrage des Cravates du côté de Tatinghem… Était le point le plus fort de la place. »

Les villages alentour et leurs habitants étaient donc directement impliqués dans l’attaque et la défense du siège de Saint-Omer.

Ils étaient au milieu de la mêlée.

Longuenesse est à 3 km de Saint-Omer, Arques à 5 km, Tatinghem à 5 km, Inghem à 11 km, Pihem à 10 km.

Comme il est dit : «pendant tout le temps qu’elle fut capitale de l’Artois réservé son territoire fut parcouru par les armées françaises ». On imagine, qui plus est, en temps de siège de Saint-Omer, les cantonnements sur les terres, les prélèvements sur les récoltes, le bétail, les intrusions et pillages dans les maisons, les agressions sur les personnes et autres comportements de cette soldatesque présente pendant des mois autour de la place de Saint-Omer.

L’hiver et ses rigueurs aggravèrent encore les conditions misérables de ces campagnes :

« l’échevinage prescrivait de faire fondre la glace sur les fossés et rivières avoisinant la ville, afin d’éviter un coup de main que de très fortes gelées rendraient possible. »

A l’intérieur de Saint-Omer la défense s’organisait, les conditions de vie dans cette ville assiégée n’étaient pas plus faciles « le carême approchait, et il n’était pas possible que les habitants se conformassent aux règlements religieux alors que l’alimentation publique était déjà une difficulté de tous les jours. »

Le 26 février 1677 un régiment français partait de Calais, se dirigeait vers Saint-Omer et occupait l’abbaye de Watten à 10 km au nord de Saint-Omer. Le 28 février commençait le siège de Saint-Omer.

Le 4 mars le château d’Arques tombait aux mains des Français, qui brûlaient les moulins de la Madeleine.

Le mauvais temps empêcha l’attaque des Français, mais il aggrava les conditions de vie locale dans la boue.

« Les Français ne pouvaient songer à investir complètement la ville, à cause des marais qui s’étendaient à une certaine distance autour d’une certaine partie de ses murailles, et qui avaient été inondés. »

Entre le 9 et le 28 mars, les défenseurs de Saint-Omer perdirent plusieurs postes de défense autour de la ville.

Le 28 mars le duc d’Orléans, frère de Louis XIV arrivait avec 20 000 hommes à Blendecques (5 km au sud de Saint-Omer)  où il établissait son quartier général. Puis il fit poster des bataillons à Arques, Clairmarais, Nieurlet, Saint-Momelin, Wisques, Tatinghem, Wizernes. Saint-Omer est encerclée.

Des combats ou des échauffourées avaient eu lieu durant tout le mois de mars dans tous ces villages.

Toute cette population campagnarde autour de Saint-Omer était donc occupée par les armées françaises avec ce que cela comporte de dévastations, de misères dans les conditions hivernales.

« Le 29 mars une messe solennelle fut célébrée dans l’église de Saint-Omer pour implorer le secours du ciel. »

« Cette fois en présence de la menace du bombardement, une grande procession à laquelle assistait l’intendant Simon, le comte de Saint-Venant, grand bailli, tous les magistrats et une foule de peuple parcourant, le 4 avril, les rues de la ville, avec l’image de la Vierge et les chefs vénérés de Saint-Omer et Saint Bertin. À cette occasion on permit aussi définitivement de manger gras pendant le carême. »

Mais le prince Guillaume d’Orange arrivait avec une armée hollandaise au secours de Saint-Omer.

Et le 9 avril il campait au sud de Cassel, à Sainte-Marie Cappel, à une bonne vingtaine de kilomètres de Saint-Omer.

Le 10 avril il approche près du petit ruisseau de la Peene, entre Cassel et Saint-Omer, près des villages de Noordpeene et Zuitpeene.

C’est là que les 10 et 11 avril, dimanche des rameaux se déroulera la bataille de La Peene. (« 1677, La Bataille de la Peene, la Flandre déchirée », publication de la Maison de la Bataille, Noordpeene).

Le Duc d’Orléans et Guillaume d’Orange s’affrontent.

Guillaume d’Orange fut défait (erreurs stratégiques et cavaliers embourbés dans un terrain détrempé, ruisseau en crue) et battit en retraite.

C’en était fait du sort de Saint-Omer.

Les combats du siège de la ville reprirent les 17 et 18 avril. Après une résistance désespérée, la capitulation fut signée le 22 avril au matin à Blendecques, au quartier général du Duc d’Orléans.

« Le siège avait duré sept semaines : si la bataille de Cassel et la reddition de la place étaient de glorieux faits d’armes pour les Français, les assiégés, de leur côté, avaient fait preuve d’une grande bravoure et d’une énergique résistance. »

Jean Derheims a relaté cette bataille en 1851 dans le Mémorial Artésien.  ICI

 

Désormais les Martel qui nous intéressent  sont français. Après avoir vécu probablement la dévastation de leurs maigres ressources, maisons et terres, par cette armée d’occupations et les combats au cours d’un hiver alternant les fortes gelées et les pluies.

«1676 – 1677. A Paris, la Seine resta gelée du 9 décembre au 13 janvier, soit 35 jours consécutifs. Pendant trois semaines de ces deux mêmes mois, on traversait, en Belgique, la Meuse sur la glace.» Mémorial de la météorologie nationale par M. GARNIER 1967

«Il faut attendre l’intégration complète et définitive du comté au royaume de France pour voir enfin se rompre le cercle de fer de la guerre, de la famine et des maladies, après 1677.»

La paix revient enfin après des décennies d’allées et venues des troupes françaises sur ce territoire.

 

Donc Jan Martel et son épouse Marguerite Jennequin (ou Zennequin ou Zunequin…) vivent à Pihem. Et ils ont vécu cet hiver terrible.

Jan Martel est petit laboureur, en quel état se trouvent ses quelques arpents de terres, ses semis de blé ou de lin, piétinés, dévastés ?

Ses quelques animaux, qu’il n’a pu nourrir: le fourrage réquisitionné pour la cavalerie. Certains animaux ont peut-être servi de nourriture à la troupe. Et la maison au sol en terre battue et dont il faut entretenir le toit de chaume, l’absence de bois de chauffage…

En quelques mots La Fontaine a décrit la vie des paysans de son époque : « Point de pain quelquefois, et jamais de repos, sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts, le créancier et la corvée… » (la mort et le bûcheron).  Les soldats…

 

Le laboureur possède ou loue un bien qu’il exploite. Il a une maison avec étable, quelques hectares, possède une charrue, quelques animaux (vaches, porcs)

« Le laboureur ou fermier est au sommet de la hiérarchie du village. Il possède un train de labours complet : plusieurs animaux, une charrue, une herse, un rouleau. Il emploie une main d’œuvre saisonnière nombreuse (semailles, soins aux cultures, récoltes élevages…). A partir de décembre l’activité agricole fort réduite permet le tissage du lin… le laboureur dispose de pouvoirs au village, il fait partie du Magistrat (conseil municipal), de l’administration des biens de la paroisse… le laboureur est un paysan aisé, l’intérieur est complexe : plusieurs pièces confortables, des meubles, de la vaisselle. »

Jan Martel est un « petit » laboureur .

 

La mère de Marguerite Jennequin, Jacqueline Forest serait décédée en 1677, à Pihem, année de la bataille de la Peene, et du rattachement de Saint-Omer au royaume de France.

En 1677, au cours de cet hiver terrible, Jan et Marguerite Martel ont déjà leurs 7 enfants. Ils les ont eus en 13 ans.

Les dates de baptêmes sont :

Jacqueline 16 janvier 1662, acte rédigé en français, sa mère Marguerite Martel a 16 ans ½ . Son parrain est André Martel (est-ce Andrieu Martel fils de Gilles Martel  et cousin de Jan, et Marie Lihu ?) et sa marraine Jacqueline Forest, « sa mère grande ». Je ne connais pas la date de mariage de Jan et Marguerite mais probablement 1661. AD62 5 MIR 656/1  26/66

(elle se marie en 1684, le 16 juillet ?, avec Liévin Boulart de Pihem)

Jan 27 décembre 1663, acte de baptême rédigé en français. AD62 5 MIR 656/1   26/66

(Mariage à Hallines le 4 août 1689 avec Anne Francoise Scotte, veuve de Pierre Haussoulier, d’Hallines )

Les baptêmes sont probablement célébrés par Robert Dallongeville prêtre pasteur de Pihen, « y demeurant » en 1664.

Antoine le 16 septembre 1665, acte de baptême rédigé en français. AD62 5 MIR 656/1 27/66

Marie 22 juin  1667, dont le parrain est Pierre Jennequin son oncle, acte rédigé en français AD62 5 MIR 656/1  28/66

Marguerite 20 décembre 1670, rédigé en français  AD62 5 MIR 656/1  28/66

Anne 17 août  1674, acte rédigé en latin    AD62 5 MIR 656/1  30/66

Pierre, 2 novembre 1675, son parrain est Pierre Jennequin. Acte rédigé en latin. AD625 MIR 656/1 31 sur 66

Acte de baptême d’Antoine Martel 5 MIR 656/1  27/66

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les noms des curés ne sont pas indiqués sur les actes de baptême. On sait seulement que Robert Dallongeville, prêtre pasteur de Pihen, « y demeurant » en 1664. Le passage à la rédaction en latin correspond sans doute à la meilleure prise en charge de la formation des prêtres : «Mieux formés dans le moule des séminaires à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle. » Lente évolution à la fois à la suite du Concile de Trente, et aussi «Les curés de paroisses deviennent en effet des auxiliaires de l’absolutisme, parce qu’ils servent à la fois Dieu et le roi, son lieutenant sur terre. » (Robert Muchembled).

En 1675 la famille habitait donc Pihem.

On rencontrera par la suite surtout Antoine (mon ancêtre), Marguerite, Pierre et Anne

Le 3e de la fratrie, Antoine est donc  baptisé le 16  septembre 1665, il naît espagnol  et est devenu français en 1677,

il épouse le 29 janvier 1698 

Marie Anne Deneuville ICI ou de Noeufville (plusieurs orthographes sont trouvées),

du village de Inghem, également à 11 km de Saint-Omer. Pihem et Inghem sont distants de 4 km.

 

Les parents de Marie Anne de Neufville sont Jean de Neufville et Guislaine Juda, « petits laboureurs ». À  Inghem

Donc même statut que Jan Martel.

Le 10 Mai 1675 Acte de Baptême de Maria Anne de Noeufville à Inghem, son parrain est Jean Tartare et sa marraine Maria Fermontel. AD62  5  MIR 471/1  28/932  Inghem

Marie Anne a un frère, Antoine, baptisé  le 26 mars 1680, mais aussi un frère nommé Jean-Baptiste témoin de son mariage. AD62 5 MIR 471/1 30/932

On retrouve le 23 octobre 1694 Marie Anne De Neufville, 19 ans, marraine à Inghem au baptême de Marie Anne Desplanques , fille de Jacques Desplanques. AD62 5 MIR 471/1  149sur932

Les De Neuville et les Desplanques devaient être proches car  3 ans plus tard,

Le 31 juillet 1697 baptême  de Marie Jeanne Desplancq fille de Jacques et Jeanne Calliboite

Le parrain est Jean Philippe Leleu et la marraine Marie Deneuville . Marie de Neuville, fille de feu Benoit  de cette paroisse . Marie De Neuville est la tante de Marie Anne. AD62 5 MIR 471/1 47/932

On trouve en 1729 : 1729 04 27 « décès Marie de Neuville fille de Feu Benoit et de Jeanne Fombe  aussi défunt et le 28 fut ensépulturée dans le cimetière de ce lieu. Ont assisté  comme témoins Jacques Desplanques et Pierre Razé  lesquels ont signé …. »  AD62 5 MIR 471/1 310/932

 

L’Église était au centre de la vie des familles. « La religion catholique comme l’air que respiraient les gens ». L’État civil n’existe pas, ce sont les prêtres qui tiennent les registres paroissiaux des baptêmes, mariages et sépultures. Les naissances sont nombreuses et la mortalité infantile est très importante. Un prêtre par paroisse.  L’église rythme le temps, au cours de l’année ( les grandes fêtes mais aussi en lien avec la vie de la campagne, les grandes processions dans la campagne – fête des Rogations pour les moissons, avant l’Ascension -, les grandes périodes du carême dont on a vu l’importance au cours du siège de Saint-Omer) , elle rythme la journée avec l’Angelus, dirige les consciences, parfois fait l’école.

Mais le curé est aussi intimement mêlé à la vie du village, on le voyait parfois à la taverne ou participant aux fêtes du village, avant l’influence du Concile de Trente. (On dit que le Concile de Trente a remplacé la honte par la culpabilité).

Des registres notent  la liste des communiants faisant leurs Pâques, les confirmations qui sont probablement toutes centralisées à Helfaut, pour les villages environnants dont Inghem et Pihem.

et Jean Machart est Curé doyen d’Helfaut et curé d’Halines en 1700.

Les registres paroissiaux apportent quelques bribes de la vie du village :

– En mai 1696 Antoine Montois bailly est mort

– en  nov 1696  à Inghem Robert Cadart  est cabaretier

– 1698 26 octobre  à Inghem François de Mol est bailly…

 

Donc le 29 janvier 1698, Antoine Martel épouse Marie Anne de Neufville à l’église d’Inghem :

Après être passé d’Inghem à Pihem par le mariage avec la famille Jennequin, cette famille Martel revient à Inghem par le mariage avec la famille de Neufville.

« La date du mariage. Obligation de respecter le « temps clos », pendant lequel l’Église interdit les noces. (L’Avent et le Carême). D’où le maximum de mariages en novembre et en janvier – février.

A la campagne, on se marie peu pendant les gros travaux d’été.

Dans certaines régions on évite de se marier au mois de mai : tabou d’origine populaire puis dévotion du mois de Marie. » Robert Muchembled

Acte de mariage d’Antoine Martel et Marie Anne de Neufville:

« L’an de grâce 1698 le 29e de janvier ayant fait la publication de 3 bans par 3 dimanches consécutifs savoir la publication du 1e banc le dimanche 12e de janvier, aussi du second le dimanche 19e du même mois et le 3e le dimanche 26e du même mois encore, ne s’y étant trouvé aucun empêchement canonique ni avis, je, soussigné deserviteur de l’église paroissiale d’Inghem, ai reçu le mutuel consentement et conjoint en mariage Antoine Martel âgé de 30 ans valet de charrue (valet de ferme) fils de Jean et de Marguerite Jennequin, avec Marie Anne de Noeufville âgée de 22 ans fille de Jean et Guislaine Juda petits laboureurs, demeurant avec ses père et mère de leur consentement tous deux de notre paroisse, en présence de Pierre et Marguerite Martel frère et sœur du mariant, et de Jean, et de Jean Baptiste de Noeufville père et frère de la mariante,…  témoins, tous de cette paroisse, hormis le frère du mariant qui est de la paroisse de Herbêle, lesquels par moi interrogés s’ils savaient écrire, le mariant a répondu ne le point savoir comme aussi le père de la mariante et la sœur du mariant et tous les autres le savoir, en foi de quoi ils ont signé ce présent acte le dit jour et an que dessus : était signé marque d’Antoine Martel, Marie Anne de Neufville sans paraphe, Pierre Martel avec paraphe, marque de Jean de Neufville, Jean-Baptiste de Neufville avec paraphe, marque de Marguerite Martel, et plus bas Leurin deserviteur d’Inghem. » AD62 5 MIR 471/1 165/932

Acte de mariage d’Antoine Martel et Marie Anne de Neufville 29 janvier 1698 AD62 5 MIR 471/1 165/932

 

 

 

 

L’acte paroissial donne 30 ans à Antoine Martel, ce qui le ferait naître en 1667 ou 1668, or il est né le 16 septembre 1665. On retrouvera cette même différence de 2 ou 3 ans lors de son décès en 1709. Mais l’acte inscrira alors « 42 ans ou environ », signant le caractère approximatif des dates et âges à cette époque. On imagine plutôt que les anciens registres n’étaient pas consultés et que les familles n’avaient que leur mémoire pour fixer le passé.

On retrouvera souvent de telles différences de 1, 2 ou 3 ans.

Les témoins :

Pierre, (de Pihem) jeune frère du marié, 10 ans de moins, il a 23 ans et est domicilié dans une paroisse voisine, Herbêle (Herbelles). Il a vraisemblablement quitté le domicile familial pour travailler dans une ferme ou peut-être comme apprenti comme on le verra. Herbelles qui est à 2 km d’Inghem  et  4 km de Pihem, 13 km de Saint-Omer, Tous ces villages très proches.

Marguerite, sœur d’Antoine, 28 ans, est donnée comme de cette paroisse d’Inghem alors que la famille, ses parents sont de Pihem. Mais l’acte précise « tous de cette paroisse.. ». Jan Martel et Marguerite auraient-ils déménagé de Pihen à Inghem ? En tout cas les parents semblent en vie des 2 côtés. Lorsque l’un est décédé, en principe  il est nommé « feu …  ».

 

On imagine la fête du mariage, comme une des scènes flamandes de David Teniers, une table dressée dehors près de la maison au toit de chaume, des personnages attablés devant des chopes regardant un couple qui danse au son d’une sorte de cornemuse, ou du violon, le musicien debout sur un tonneau. Des couples assis sur des bancs et discutant. Un flacon sur un tonneau avec à côté quelques ustensiles de cuisine. Un petit chien au milieu de la scène. Mais ici le mariage a eu lieu fin janvier…  alors peut-être dans la salle commune de la ferme, devant l’âtre, des personnages fumant des longues pipes en terre devant des bocks. La grande tablée d’un Bruegel l’Ancien, mais ça n’a pas dû beaucoup changer, avec les porteurs de plats, le serviteur qui remplit de vin les pots. Du monde, ça s’agite et on croit entendre le brouhaha.

Après le repas, la danse, chez Breughel le jeune, les danses par couples, les corps à corps, les couples qui s’embrassent, la couleur des vêtements, les coiffes blanches des femmes, tous les hommes sont couverts aussi.

Le violon prend le pas au cours du XVIIème siècle sur la cornemuse. « Musique et danse sont associées. Les artésiens ont une véritable passion pour ces divertissements qui permettent de mettre le corps en valeur et de percevoir des sensations intenses, comme acteur ou comme spectateur, la danse et la musique ont d’importantes fonctions sociales, apprendre les valeurs et les normes de la vie collective.

Ils servent aussi d’exutoires licites aux passions trop brutales et aident ainsi à brûler des trop-pleins d’énergie. » (Robert Muchembled)

Outre les mariages, les villageois saisissent toutes les occasions pour faire la fête. « Les jours de fête sont presque aussi nombreux que les dimanches. Un jour sur trois environ est obligatoirement chômé. Aux fêtes d’obligation s’ajoutent les « dédicaces » ou ducasse propres à chaque paroisse. »

 

Quelle langue parlaient  Antoine Martel et Marie Anne de Neufville à Inghem vers 1700 ? « Dans la Flandres de Dunkerque à Tournai, on parle surtout le flamand. Mais dans les villages aux alentours de Saint-Omer on parle un patois flamand. la langue parlée des paysans est un patois que l’on appellerait  aujourd’hui le ch’ti. Donc dans ces zones les langues usitées sont le flamand, le français et plusieurs variantes de patois flamand et picard. »

le français était parlé par ceux qui exerçaient le pouvoir, les juristes, les officiers, les fonctionnaires.

Les prêtres enseignaient la religion en latin. L’acte de baptême d’Antoine François est rédigé en latin.

«Le clergé utilise principalement le latin lors des offices, dans son travail d’écriture et sans doute pour permettre la communication entre membres issus de provinces différentes… La noblesse utilise essentiellement l’ancienne langue d’oïl, le roman… la bourgeoisie marchande  garde l’usage du flamand pour ses relations commerciales, notamment avec la Hanse… le peuple des ouvriers, commerçants, artisans et paysans s’expriment exclusivement en flamand.» Bernard Doncker, Le patrimoine flamand de Saint-Omer, ses faubourgs et son marais.2023. p 36.

Antoine Martel ne savait pas signer. Il n’y avait certainement pas d’école à Inghem. Quelques 50 ans plus tard, il est encore dit que l’instruction était non seulement inutile pour le peuple, mais même dangereuse. On estimait que le paysan devait apprendre à cultiver sa terre ou à manier des outils. « le pauvre n’a pas besoin d’éducation », dit Rousseau. « J’entends, par peuple, la populace qui n’a que ses bras pour vivre. Je doute que cet ordre de citoyens ait jamais le temps ni la capacité de s’instruire ; ils mourraient de faim avant de devenir philosophes. Il me paraît essentiel qu’il y ait des gueux ignorants », écrit Voltaire. Louis Philipon de la Madeleine : « danger des écoles répandues dans les bourgs et les villages. »

 

« … c’étaient les anciennes écoles paroissiales, le plus souvent tenues par le prêtre. Toutes ces écoles étaient soumises à l’autorité ecclésiastique, par l’intermédiaire de l’écolâtre qui choisissait les maîtres, contrôlait leur enseignement et leur assignait une responsabilité spirituelle. Le but catéchétique dominait et l’analphabétisme restait largement répandu. »  http://proposdepedagogie.eklablog.com/

 

En fin d’année 1698, 10 mois plus tard, Antoine et Marie Anne ont leur premier enfant : le 2 décembre 1698 est baptisé à Inghem Antoine François MARTEL premier fils d’Antoine Martel , « manouvrier » et de Marie Anne De Neuville.

AD62 5 MIR 471/1  48/932

 

Le parrain est Antoine De Neuville, 18 ans, frère de Marie Anne.

La marraine est Marguerite Martel, 28 ans, déjà témoin du mariage, sœur d’Antoine Martel et de 5 ans sa cadette, uterque ex hac parochia, tous les deux de cette paroisse. Marguerite Martel est donc de la paroisse d’Inghem, comme sur l’acte de mariage,

Le prêtre officiant est C Lethelier. Il y a eu changement, ou décès, de curé à Inghem depuis le mariage en janvier célébré par le curé Leurin. On retrouvera le curé Lethelier  encore jusqu’en 1716 à Inghem. Il enterrera Marie Anne, la mère du nouveau-né en 1704 puis Antoine, son père en 1709.

et c’est lui qui écrira ce billet qui jettera le trouble sur la filiation d’Antoine Martel.

Antoine Martel est « valet de charrue », c’est-à-dire garçon de ferme, manouvrier.

« Si l’on s’intéresse aux paysans, leur habitat a peu changé depuis le XVIIe siècle. Le logement est constitué souvent d’une seule pièce convertie la nuit en couchage pour toute la famille. Et très souvent, par manque de place, tous les enfants dorment dans le même lit. Une seconde pièce est également aménagée pour les bêtes« .

« Sa maison est construite en pisé (torchis) et est recouverte de chaume. Elle ne comprend souvent qu’une seule pièce. »

« ils ont des conditions de vie misérables. On les appelle aussi des paysans à la brouette parce qu’ils ne possèdent en propre aucun animal de trait. Ils sont employés à la moisson et au battage. Ils logent dans des masures construites sur les près appartenant au laboureur. »

« En bas de la société rurale : les journaliers ou manouvriers, qui ne vivent que de leurs bras avec souvent un petit jardin. Ils ont des ressources irrégulières, des situations inégales allant de la médiocrité au dénuement. »

«Les  paysans avaient des conditions de vie particulièrement précaires. Il suffisait simplement qu’une récolte s’annonce médiocre pour que le prix des grains qui constituaient la base de l’alimentation populaire s’envole et que les « manouvriers », c’est-à-dire ceux qui ne possédaient rien et louaient leur travail, soient au bord de la famine. Le régime alimentaire  des paysans était monotone et précaire.  Ils mangeaient des  bouillies de céréales  et des soupes de légumes, du pain surtout, très peu de viande et quasi exclusivement du porc.»

« Le manouvrier complète ses revenus par le tissage à domicile, l’élevage de quelques bêtes et l’entretien d’un jardin potager. »

Au début du 18ème siècle, vers 1700, les paysans représentent près de 47% de la population dans la région.

 

Voilà donc les conditions de vie probables d’Antoine Martel, à la merci des aléas climatiques, des mauvaises récoltes, non à l’abri des guerres ou passages de troupes dans cette région longtemps disputée.

C’est probablement pour cette raison (son père manouvrier) que Pierre Martel, 2ème fils d’Antoine et Marie-Anne de Neuville est né à Tilques  et non pas à Inghem.

Antoine et Marie Anne auront 2 fils : Antoine François 2 décembre 1698 à Inghem et Pierre baptisé le 2 août 1700 à Tilques, hameau à 6 km au nord de Saint-Omer. Antoine, valet de ferme devait « louer » ses bras dans des fermes de la région. Probablement à Tilques en ce début d’août 1700. Pour la moisson.

C’est ce que je pensais jusqu’à la lecture d’un acte de location (extrait du Gros des notaires de Saint-Omer, transcription de Bernard Chovaux) daté du 23 février 1699 : Baux 176 – 23/02/1699

« Antoine MARTEL, labourier, demt au village d’Inghem et Marie Anne NEUFVILLE, sa femme (…) à titre de bail, ferme et de louage de Damlle Marie DELEBARRE, veuve du Sr Castian DE COCQ, demt en icelle ville, une censse (…) 42 mesures y compris les marets et patures situées au dit Tilques»

 

Donc Antoine Martel loue à Tilques, moins de 3 mois après la naissance à Inghem d’Antoine François, une terre de 42 mesures, soit 18 hectares avec marais et pâtures.

Si Pierre est bien né le 2 août 1700, Antoine a exploité cette terre au moins 2 saisons.

C’est une surface importante : « on estime qu’un fermier à la tête de 10 hectares pouvait vivre correctement ». Antoine, le manouvrier, se « lance » et il loue probablement la ferme avec les outils, charrue et cheval de trait pour exploiter une telle surface. L’exploitation de Castian De Cocq décédé.

Il n’y a pas d’acte de baptême de Pierre Martel à Inghem.

Et des registres de Tilques entre 1692 et 1704 auraient disparu au cours d’une des deux dernières guerres.

 

Fanie Houzet Martel, mon arrière grande tante a établi une généalogie détaillée de la famille Martel qui a été écrite a partir de documents d’archives transmis par sa mère, Mélanie Martel Fauvel qui lui avait confié cette mission.

Elle commence avec Antoine Martel  et « Marie Anne Neufville » sans précision de date. Puis leurs 2 fils : Antoine François, sans date de naissance précise : «  vers 1699 ». (Il a été baptisé le 2 décembre 1698.)

et Pierre Martel dont elle précise la date de naissance : le 2 août 1700 à Tilques. Cette précision permet donc de supposer qu’elle a pu avoir accès à son acte de baptême à Tilques avant la destruction des archives, ou à un document transmis qu’elle estime fiable. Et par contre qu’elle n’a pas vu les registres d’Inghem.

Il peut y avoir cependant une incertitude car l’acte de décès de Pierre Martel du 4 mai 1779 en la paroisse de Sainte-Aldegonde de Saint-Omer (il est décédé la veille le 3)  indique qu’il avait 80 ans ; ce qui pourrait le faire naître plutôt en 1699. Mais les âges mentionnés dans ces actes sont approximatifs. En tout cas il est bien né à Tilques, comme le confirme l’acte de décès.

 

Comment imaginer leur aspect physique, aux uns et aux autres ? Comme on aimerait les voir, les visages,  les voir bouger, les entendre parler leur patois. Étaient-ils grands, petits ou dans la moyenne ? robustes et corpulents paysans ou amaigris par les disettes ou la pauvreté ?

Plutôt petits, la taille moyenne était au plus bas de l’histoire au 17ème siècle, environ  162 cm ( 178cm pour les hommes nés en 1980).

Ils n’avaient ni barbe ni moustache si l’on en croit Teniers ou Brueghel.

On imagine leur habillement en voyant les tableaux de l’époque, dans cette région : tous portent un chapeau à bords plus ou moins larges pour les hommes, une coiffe pour les femmes. Les hommes portent un pantalon un peu large et vague, volontiers à mi-mollet ; une sorte de grande blouse ceinturée à la taille et sans manche, avec dessous une chemise à manches longues. Les femmes une grande robe longue jusqu’aux chevilles et ceinturée à la taille, recouverte d’un tablier ; des coiffes assez semblables certaines peu couvrantes, souvent de couleur claire sur les peintures d’époque, prenant surtout une partie du dessus et l’arrière de la tête, d’autres couvrantes et retombant sur le dos.

«… au fond, le chapeau constitue la réserve territoriale la plus éminente de chacun, dans cette civilisation, si bien que ceux qui en sont dépourvus se situent hors des normes, comme les prostituées ou bien les sorcières échevelées.

La honte s’attache en effet réellement à celui qui laisse prendre son chapeau. Le couvre-chef est une partie intégrante de la personnalité de chacun. Il exprime des émotions et des sentiments, ce qui le rend particulièrement précieux. »  Robert Muchembled.

 

C’est Pierre Martel  de Tilques, fils d’Antoine et Marie Anne, qui donnera la lignée dont je suis issu.

L’installation à Tilques n’est pas définitive, l’exploitation de cette ferme était-elle trop lourde pour lui ? les intempéries et mauvaises récoltes ont-elles eu raison de son courage ?

Toujours est-il que 4 ans plus tard, en 1704, la famille en deuil est de nouveau à Inghem.

En effet  «  le 22 de juin 1704 est décédée Marie Anne de Neufville âgée de 29 ans, femme de Antoine Martel manœuvrier fille de Jan laboureur et cabaretier et Guislaine Juda, tous habitants de cette paroisse et son service fut chanté le 23 que dessus son corps présent lequel fut inhumé dans le cimetière de cette église présent les dits Antoine Martel son mari et Jan de Neufville son père lesquels interpellées par le soussigné pasteur du lieu s’ils savaient signer le dit de Neufville a répondu le savoir bien et le dit Martel ne le savoir en foi de tout ce que dessus ils ont signé cet acte de leurs seings et marques ordinaires aussi le pasteur du lieu était signé J. Denoeufville, marque d’Antoine Martel, le Thellier Pasteur et curé d’Inguehem. » AD62 5 MIR 471/1 198/932

Il est curieux de noter que sur l’acte de mariage d’Antoine et Marie-Anne en 1698, il y a 5 ans, Jan de Neufville avait répondu ne savoir écrire et avait signé d’une marque. En 1704, il « a répondu le savoir bien ». Il a 55 ans.

Quelle est la cause du décès de cette jeune femme de 29 ans ? on ne trouve pas d’acte de naissance ni de décès d’un enfant qui pourrait évoquer un décès « en couches ». Mais les conditions de vie précaires, la malnutrition probable, expliquent la plus grande sensibilité aux infections et la durée de vie moyenne courte à cette époque et dans ce milieu. Il faut noter qu’elle n’a eu que 2 enfants, à une époque où les naissances étaient nombreuses et rapprochées. Elle est décédée 4 ans après la naissance de Pierre. 4 ans sans nouvelle naissance.

Au décès de leur mère Antoine François a 5 ans 1/2, Pierre a presque 4 ans. Leur père manouvrier est illettré mais leur grand père maternel Jan Deneuville sait signer, en outre il est laboureur donc propriétaire terrien et avec une activité de cabaretier. Probablement un statut dans le village, membre du Magistrat peut-être. Il semble avoir consolidé sa situation financière, il est décrit comme « petit laboureur » au mariage de sa fille il est maintenant laboureur et cabaretier. Et maintenant il sait écrire.

Les cabaretiers vendaient du vin à l’assiette tandis que les taverniers le faisaient au pot.

Les cabaretiers vendaient du vin en détail, en accompagnement d’un repas, « sur une table. Le cabaret, ancêtre du restaurant, est avant tout un lieu de sociabilité, fréquenté pour de multiples raisons. Les gens s’y attablent des journées entières, en été comme en hiver, le préférant à leur propre maison, y cherchant un relatif confort et acceptant donc aisément d’y amener ou d’y faire venir de quoi se chauffer et se nourrir, tout en vidant force pots.

Femmes et enfants fréquentent aussi cet important lieu de rencontre. Jeux et plaisirs sont de mise dans ce cadre. La musique. Des conteurs s’y produisent.

La taverne, ancêtre du bar, a de nombreuses fonctions sociales. École d’ivrognerie, école de violence, école de masse du crime, plus souvent encore un centre d’affaires et d’activités économiques : rôle positif à ces véritables maisons du peuple. Là se concluent les tractations, familiales, commerciales ou autres.

les parties intéressées scellent toujours l’accord des transactions dans ce lieu, en y buvant le « vin du marché », « Le territoire du Moi », la violence au village, Robert Muchembled.

 

Les enfants de Jan de Neuville: Jean Baptiste, Antoine, Marie Anne.

Les parents de Marie Anne de Neufville, Jean de Neufville et Ghislaine Juda, sont en vie ce 22 juin 1704. On imagine qu’ Antoine sera aidé par sa belle mère, Guislaine Juda, qui élèvera les 2 jeunes garçons. Les de Neuville sont à Inghem, peut-être voisins de leur gendre Antoine Martel.

Ou peut-être par ses parents, mais qui habitent Pihem, Jan Martel et Marguerite Jennequin. On imagine mal cet ouvrier agricole harassé de travail s’occupant d’une maisonnée… Dans les campagnes à l’existence difficile  l’entraide était la règle. Les liens familiaux forts.

« à la campagne, des réseaux familiaux d’échanges de services et d’entraide… La solidarité familiale fonctionne pour les ascendants aussi bien que pour les descendants. »(Jacques Dupâquier.)

 Mais il n’y avait pas de scolarisation et l’entretien de ces enfants « coûtait », aussi étaient-ils, en fonction de l’âge, affectés à des tâches, à la ferme.

Ce qui est surprenant, on le saura quelques années plus tard, Antoine Martel, veuf, ne s’est pas remarié, semble-t-il.

Comme l’écrit J. Dupâquier : « En raison de la forte mortalité des adultes, la durée des unions est relativement brève. Plus encore que pour le premier mariage, le remariage est une nécessité économique. Il est d’autant plus fréquent que la veuve ou le veuf est plus jeune. »

Le remariage est quasiment la règle. Il y a parfois 2, voire 3 mariages. Antoine a 39 ans, un remariage redonnerait « une mère » à ses 2 garçons.

3 ans plus tard,

On trouve un registre des confirmations de 1707 d’Inghem : AD62  5 MIR 471/1 83/932

«L’année 1707 le 20 septembre ont été confirmés par l’illustrissime seigneur évêque de Watinfort par délégation de l’illustrissime Louis Alphonse de Walbelle évêque de Saint-Omer, dans l’église paroissiale d’Helfaut, les suivants» :

AD62  5 MIR 471/1 83/932

1 Antonius Martel

2 Petrus Martel

3 Matheus Thibaut

4 Nicolaus Cadart…

5…

 

 

Il est fort probable qu’il s’agisse des 2 frères Martel, fils d’Antoine. Avec une cérémonie de confirmation, pour laquelle se déplaçait l’évêque, « centralisée à Helfaut ». La cérémonie a réuni des enfants de plusieurs villages autour du doyenné d’Helfaut.

Il est noté dans les Registres d’Inghem: feuilles  «paraphées et cottées par Mr Jean Machart Curé d’Halines et doyen du district d’Helfaut.»  Jean Machart doyen d’Helfaut était curé d’Hallines et Briche.

à partir de 1681 le doyenné d’Helfaut comprend les paroisses de Helfaut, Bilques, Blendecques, Clarques, Ecques, Hallines, Heuringhem, Inghem, Thérouanne et Wizernes.

le doyen devait visiter les églises et la bonne observance liturgique et « quand, exceptionnellement, elle était faite par l’évêque, tout le peuple  y était convoqué et y communiait de sa main, le prélat profitait de cette Visite pour administrer la confirmation aux enfants.» (Le Doyenné d’Helfaut au XVIIème  siècle, par M le Chanoine Coolen, SAAM Tome XVI 1941 p 182)

Sur le doyenné d’Helfaut et les paroisses au XVIIème siècle voir ici.

Pierre à 7 ans, Antoine François 8 ans. À l’époque le sacrement de confirmation était administré à l’âge de raison. Ils ont perdu leur mère il y a 3 ans, Leur mention dans le registre d’Inghem laisse penser qu’ils sont élevés par leur grands parents De Neufville.

 

 

 

 

AD62 5 MIR 471/1 218/932

Le sort s’acharne sur ces 2 garçons : 2 ans plus tard Antoine François et Pierre  sont orphelins de père et de mère.

En effet  le 18 mars 1709 Antoine Martel décède à l’âge « d’environ » 42 ans. Il était manouvrier. Les « présents » à ses funérailles sont Jan de Neuville son beau-père et Antoine Tartar son voisin. Le curé de la paroisse d’Inghem signe Lethellier. Il n’y a pas de Martel d’après l’acte du curé Lethelier, mais les actes de sépulture ne mentionnent que 2 personnes, comme « témoins ». Jan et Marguerite sont-ils décédés ? si Marguerite est en vie, elle a 64 ans, quant à Jan Martel il pourrait être âgé de 75 ans.

 

 

 

 

Quelques mois plus tôt, le frère d’Antoine (témoin de son mariage), de 10 ans son cadet, Pierre Martel, de Pihem, s’était marié. (Pierre Martel  de Pihem oncle des 2 garçons : Pierre Martel  de Tilques et Antoine François Martel.)

Pierre de Pihem se marie à Saint-Omer, paroisse  Saint-Sépulcre le 24 juillet 1708. Il a 32 ans, il est charpentier. Il épouse Marie Jeanne Hede (ou Hedde) 17 ans.

« Le 24 de juillet1708 les soussignés Pierre MARTEL, fils de Jean et de Marguerite Jennequin, charpentier, âgé d’environ 31 ans, d’une part, et Marie Jeanne HEDE fille de feu Michel et d’encore vivante Jeanne Cadart, âgée d’environ 17 ans d’autre part, tous deux de cette paroisse, après la publication d’un ban et dispense obtenue pour les deux autres ont solenellement contracté le mariage pardevant moy pasteur de St Sépulcre aussi soussigné,  et  présents Charles Cadart et Marie de Hurtevent parrain et marraine de la contractante, Philippe LE FORT son bel-oncle et Anne MARTEL sœur du contractant.  Pareillement soussignés. » AD62 5 MIR 765/26  553/1317 St-Sépulcre

Tous ont signé, avec une écriture bien formée, lisible, de personnes qui ont appris à écrire. Seule Anne Martel  34 ans (née en août 1674) signe d’un griffonnage où l’on devine son nom.

Le prêtre signe « Cadart pasteur de St Sépulcre ». Est-il  de la famille de Jeanne Cadart, mère de la mariée ? Peut-être l’oncle de Marie Jeanne Hede? mais le nom de Cadart est très répandu.

Antoine Martel décède à l’âge « d’environ » 42 ans , Jeanne HEDE, âgée « d’environ » 17 ans.  « le temps qu’ils vivent est « flottant » pour eux, ils n’ont pas les moyens de le mesurer, surtout cela ne leur servirait à rien de le faire. Nul ne paraît réellement souhaiter l’exactitude dans ce domaine. L’à-peu-près imprègne profondément leurs structures mentales, durant toute la période considérée, le mot « environ » servant souvent à relativiser une opération quelconque. Il faut se souvenir que celle-ci est rarement menée par écrit, dans un monde fortement analphabète. » Pour les paysans, soit les trois quarts de la population, les rythmes marqués par les saisons, par les cloches appelant aux offices religieux, par les grandes fêtes, suffisent à encadrer l’existence : la permanence de l’à-peu-près, dans le domaine temporel aussi bien que dans celui des comptes et des chiffres en général, ne signale pas des incapacités ou des retards culturels, mais plutôt une continuité mentale adaptée à des conditions de vie spécifiques.» (La violence au village, Robert Muchembled)

 

Le registre paroissial de Saint-Sépulcre à Saint-Omer indique qu’ils sont « tous deux de cette paroisse », donc Pierre quittant son village de Pihem  puis d’Herbelles où il était paroissien le 29 janvier 1698 lors du mariage de son frère Antoine, s’était installé à Saint-Omer. Était-il à Herbelles en apprentissage de charpenterie, ou travaillait-il à la ferme ? Je n’ai trouvé aucune indication dans les registres d’Herbelles pour cette période.

Dans un acte de baptême du 18 décembre 1706 de la paroisse St-Sépulcre, Pierre de Pihem est parrain d’une petite Catherine Michel, fille d’amis très certainement. Il est désigné Pierre Martel charpentier et sa signature est identique à celle de son mariage. Il est donc à St-Omer en 1706.

En fait, le plus probable est qu’il ait été en apprentissage à Saint-Omer chez Michel Hedde, dans une famille de charpentiers : Jacques Bouchier (décédé en 1699) et Michel Hedde, 2 beaux-frères. Et qu’il a épousé la fille de son maître d’apprentissage. Peut-être aussi critère de reconnaissance de qualité professionnelle ?

« Mariage de Guillaume STERCKEMAN et Antoinette Joseph BOUCHIE  de feuz Jacques BOUCHIE, vivant maître charpentier en cette ville et Martine HEDDE sa mére, assistée de Michel HEDDE son oncle maternel, maître charpentier de cette ville et de Jenne CADART sa femme …  » Mariage à St-Omer paroisse St-Sépulcre le 13/10/1699  AD62 5 MIR 765/25 1160/1242

Le statut des 2 frères, Pierre de Pihem et Antoine, père des 2 garçons, étaient bien différents : Antoine est noté comme valet de ferme puis manouvrier à Inghem, le bas de l’échelle dans la paysannerie et Pierre son frère est charpentier à Saint-Omer. Le charpentier était un artisan apprécié qui vivait bien de son métier.  Dans cette région les moulins à vent ou à eau, sur l’Aa, sont nombreux et l’entretien est dévolu au charpentier.

Témoin cet accord rapporté par Yves Lemaire (Godefroy MARTEL n’est pas associé à notre lignée) :

« 444) Accord N° 12 le 17/3/1658: Jacques CHABE et Godefroy MARTEL charpentiers à Blendecques ; de rédiffier un mollin à usaige de fouler draps séant à Blendecques aptenant à Jacques GALIOT pre sergeant à verges de messieurs du magistrat de St Omer, qu’occupe pntemt Bauduin FERET. »

 

Pierre Martel de Pihem est important dans la vie de son neveu Pierre Martel de Tilques.

Il l’accueillera à Saint-Omer et très certainement assurera sa formation de charpentier.

 

1709, année du décès d’Antoine Martel le 18 mars, à 42 ans, a vu un hiver terrible, rapporté comme un des hivers les plus rudes de l’histoire. Les courbes de décès en 1709-1710 «atteignent un niveau exceptionnel (…) la crise de 1709-1710 a provoqué, en deux ans, une augmentation de la mortalité de l’ordre de 40% (…) aucune région n’a été épargnée.» (La population française aux XVII et XVIII s – Jacques Dupâquier) Que sais-je ? P48

« Le Grand Hiver

On définit le Grand Hiver (« terrible grand hyver ») l’hiver particulièrement rigoureux de l’année 1709.

Les difficultés économiques de la France avaient déjà commencé dès 1672, mais elles culminèrent en 1709.

Plusieurs éléments entrent en ligne de compte, et d’abord l’état de guerre permanent qui avait fait augmenter les prélèvements fiscaux et ralentir considérablement l’activité économique du royaume. La France était alors engagée dans la guerre de Succession d’Espagne, entamée depuis 1701. Au cours de l’année 1708, les armées françaises commençant à s’épuiser, à bout de forces, furent repoussées de toutes parts.

(Les troupes passent probablement par la région de l’Artois, il y a des batailles à Lille et Denain.)

Comme si les problèmes internes et externes du royaume ne suffisaient pas, la France dut subir les caprices du temps, partageant les années 1692-1713 entre étés extrêmement pluvieux ou accablés par la sécheresse (années 1705,1706 et 1707), et des hivers tout aussi rigoureux.

Curieusement, l’hiver de 1708 fut très doux puisqu’on relevait à Paris en plein décembre 10°C ! Qui aurait alors pensé que les mois qui allaient suivre plongeraient la France dans l’horreur ? La première vague de froid eut lieu dans la nuit du 6 janvier 1709. Par bonheur, la neige l’accompagnant, les cultures et autres récoltes furent épargnées par le gel. En 24 heures cette vague de froid s’étendit sur toute la France: on releva ainsi -25°C à Paris, -17°C à Montpellier ou encore -20,5°C à Bordeaux ! La Seine gela progressivement et on raconte que la mer elle-même commençait à geler sur plusieurs kilomètres de largeur !

Le froid n’épargnait personne, et que ce fut à Versailles ou dans la plus petite chaumière de la France profonde, tout le monde grelottait.

le prix du blé ne cessait de grimper. Il valait huit fois plus cher que l’année précédente.

Tous les végétaux se mirent à dépérir, le sol gelant sur plusieurs mètres de profondeur;

Les cheminées chauffaient mal et nécessitaient un important apport de bois, de toute façon beaucoup trop cher pour la population, laissant ainsi le vent glacial s’engouffrer dans les habitations, faisant descendre la température jusqu’à -10°C. Partout en France on allumait de grands feux pour que les plus démunis puissent s’y réchauffer.

Lorsque le dégel eut lieu en avril, le constat fut épouvantable, toutes les récoltes étaient pourries. Le 23 avril, par arrêté royal, Louis XIV autorisa à ressemer chaque parcelle de terrain. Pour subvenir à la misère générale il diminua les impôts de 8 millions et exempta des droits d’entrée les bœufs, les moutons et le vin.

La France subira ainsi une crise démographique sans pareil puisque l’on constate qu’entre le premier janvier 1709 et le premier janvier 1711, la population diminua de 810.000 habitants sur une population globale de 22 millions de Français!

Dans le Nord

« L’hiver fut long et le froid si pénétrant que de temps immémorial on n’en avait point vu de pareil. Il commença le jour de l’épiphanie le 6 janvier et durant 17 jours, le vent est si fort et le froid qu’à peine on pouvait demeurer dehors, un grand nombre de personnes furent incommodées, les uns ayant une partie des pieds et d’autres les doigts des mains gelés, particulièrement chez les marchands qui étaient obligés d’aller par les chemins, ou l’on trouva en beaucoup d’endroits des personnes mortes du froid.

Les arbres des campagnes souffrirent beaucoup, la grande partie des chênes, même les plus gros, se fendirent de haut en bas, se faisait entendre de fort loin dans les bois, la moitié des arbres fruitiers périt, toute la nature fut entièrement gelée. Les sangliers et les loups ne purent s’en garantir, il en mourut beaucoup. Les suites furent funestes car au dégel, presque tout le monde se trouva attaqué d’un rhume qui commençait par un débord dans la tête avec de grandes douleurs et ensuite, tombait sur la poitrine souvent avec une douleur de côté et cette maladie fut générale. » (Le Grand Hiver, Geneawiki, auteur inconnu) dernière mise à jour le 04/02/2020.

 

Voici les conditions générales dans lesquelles Antoine Martel disparut à l’âge de 42 ans, à la fin de ce terrible hiver, le 18 mars. Probablement emporté par « ce rhume qui tombait sur la poitrine… », Épidémie grippale ? Chez un pauvre manouvrier, veuf, dans une de ces masures telles qu’on les décrivait, dénutri, sans travail pendant tout cet hiver terrible, sans bois pour se chauffer peut-être.

 

Le terrier de Pilhem (rapporté par Bernard Chovaux) montre que le 31 janvier 1709 Jean Martel (père d’Antoine Martel, grand-père de Pierre Martel de Tilques), « petit laboureur », est propriétaire par sa femme Marguerite Zennequin de 3 petites parcelles de terre, que celle-ci a hérité de ses parents, Jacqueline Forest et Pierre Zennequin. Il s’agit de terres labourables. Il demeure au village de Pilhem.

Marguerite Zennequin a 6 frères et 1 sœur. Un de ses frères, « Pierre Zennequin homme de fief et échevin des villages, terres, seigneuries de Bienques et Pilhem, laboureur, demeurant au dit Pilhem ». Le beau frère de Jean Martel a des biens et est titulaire de responsabilités. Pierre Zennequin son beau-père était « chirurgien ». (1454) Divers : Ratification N° 43 le 18/1/1645  Yves Lemaire)

 

En 1709 Pierre et Antoine François ont perdu leurs parents mais leurs grands-pères sont encore en vie : Jan Martel à Pihem et Jean Deneuville à Inghem.

 

Que vont devenir Antoine François et Pierre ? Sont-ils recueillis et élevés par leurs grands parents maternels Jan de Neufville et Ghislaine Judas à Inghem ?

l’acte de mariage le 9 novembre 1713 d’Antoine Deneuville (frère de Marie-Anne) 33 ans « fils de défunt Jean et Guislaine Juda », avec Marie Anne Riquart 30 ans, témoigne du décès de Jan Deneuville à cette date. Jan Deneuville est décédé entre le 18 mars 1709 et le 9 novembre 1713.

 

On perd de vue les 2 frères Pierre et Antoine François Martel pour quelques années.

 

Rien en effet jusqu’au mariage de Pierre Martel et Marie Isabelle Lezoire le 4 mai 1734. On sait cependant que Antoine François a épousé Marie Joseph Lagaize  en 1723 ( peut-être le 23 janvier ) à Tatinghem, mais il n’y a pas d’archives pour cette période à Tatinghem..

Sachant que Pierre de Tilques décèdera  et sera inhumé en 1779 dans la paroisse de Sainte-Aldegonde à Saint-Omer.